Le Sénat congolais a voté ce jeudi 22 mai en faveur de la levée de l’immunité parlementaire de l’ancien président Joseph Kabila, ouvrant ainsi la voie à des poursuites judiciaires engagées par la justice militaire. Accusé notamment de trahison et de complicité avec le groupe rebelle M23, l’ex-chef d’État est désormais exposé à une instruction judiciaire sans les protections conférées à son statut de sénateur à vie.
Sur les 96 sénateurs présents, 88 ont voté pour la levée de l’immunité de Joseph Kabila, contre cinq oppositions et trois abstentions. Ce vote, intervenu dans un climat politique déjà tendu, donne suite à une requête déposée par le procureur général militaire après que le ministre de la Justice a accusé l’ancien président d’une « participation directe » à l’insurrection armée du M23 dans l’est du pays. Il est visé par de lourdes charges : trahison, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et participation à un mouvement insurrectionnel.
La décision s’inscrit dans un contexte de violences persistantes dans l’est de la RDC, où les forces du M23, soutenues selon Kinshasa par le Rwanda, ont repris plusieurs localités ces derniers mois. L’ancien président, qui a dirigé le pays entre 2001 et 2019, a toujours gardé une influence dans certaines sphères du pouvoir et de l’armée. Pour les autorités actuelles, son implication présumée dans cette rébellion représente une atteinte directe à la sécurité nationale.
Au sein de la classe politique, la décision du Sénat divise. À l’UDPS, parti présidentiel, certains saluent une avancée symbolique. Jean Tshisekedi évoque une « mesure historique » qui rappelle que « nul n’est au-dessus des lois ». Son collègue Jules Lodi, plus prudent, insiste sur la présomption d’innocence. Dans le camp opposé, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), formation de Kabila, dénonce une manœuvre politique. Son porte-parole Ferdinand Kambere estime que seul le Congrès est habilité à statuer sur le sort pénal d’un ancien chef de l’État.
Joseph Kabila a rapidement réagi via son compte X (ex-Twitter). Il affirme prendre acte de la décision du Sénat, mais y voit une démarche précipitée, dictée selon lui par la « panique » au sommet de l’État. Il dénonce une « manœuvre politique désespérée » et affirme que le vote ne respecte pas les équilibres institutionnels prévus par la Constitution.
Je prends acte de la décision du Sénat de lever mes immunités.
Ce geste, orchestré dans la précipitation et sans respect des équilibres institutionnels, n’est pas un acte de justice. C’est une manœuvre politique désespérée, dans un contexte de panique généralisée au sommet de… pic.twitter.com/3nACumZ0eb— Joseph Kabila Kabange (@josephkabila01) May 22, 2025
C’est la première fois en RDC qu’un ancien président est formellement visé par des accusations aussi graves émanant de la justice militaire. Au-delà de la procédure elle-même, cette affaire risque d’avoir des répercussions politiques majeures dans la perspective des prochaines élections, dans un pays encore fragilisé par des décennies de conflits et de tensions régionales. L’issue de l’enquête, si elle est conduite jusqu’à son terme, pourrait rebattre les cartes au sein d’un paysage politique déjà polarisé.