Karol Nawrocki a été élu président de la Pologne le 1er juin, à l’issue d’un second tour serré face au maire de Varsovie, Rafal Trzaskowski. Inconnu du grand public avant la campagne, cet historien de 42 ans, au profil atypique, a su capitaliser sur une image d’homme hors système pour séduire une partie de l’électorat. Son accession à la magistrature suprême bouleverse les équilibres politiques du pays et augure d’un mandat conflictuel avec le gouvernement libéral de Donald Tusk.
Malgré un parcours entaché de polémiques – son implication passée dans des rixes entre gangs de supporters à Gdansk ou encore des accusations d’abus liés à un logement social et à un ancien emploi dans un hôtel –, Nawrocki a retourné ces controverses à son avantage. Il s’est présenté comme un homme du peuple, viril, prêt à « se battre » pour la Pologne. Ce positionnement lui a permis de s’imposer comme une alternative crédible aux élites traditionnelles, notamment en s’inspirant ouvertement de figures comme Donald Trump.
Cette élection constitue une revanche pour le parti Droit et Justice (PiS), évincé du pouvoir en 2023 mais encore influent dans les hautes sphères de l’État. En succédant à Andrzej Duda, Nawrocki devient le nouveau verrou institutionnel contre les réformes promises par Donald Tusk. Le droit de veto présidentiel, son principal levier constitutionnel, pourrait paralyser l’action gouvernementale jusqu’à la fin de son mandat en 2030. L’agenda libéral porté par Tusk – droits des minorités, accès à l’avortement, indépendance de la justice – risque de rester lettre morte.
Affichant une hostilité assumée à l’égard de Bruxelles, Nawrocki prône une « Europe des nations » fondée sur la souveraineté nationale. Il rejette catégoriquement les politiques climatiques et migratoires de l’UE, qu’il accuse de nuire aux intérêts polonais. Sur la sécurité, il privilégie un alignement strict avec les États-Unis, notamment sous Donald Trump, et rejette toute concession à l’égard de l’Ukraine, tant que celle-ci ne reconnaît pas sa responsabilité dans le massacre de Volhynie.
Sur le plan migratoire, le nouveau président durcit le ton. Il projette d’instaurer des contrôles à la frontière allemande et accuse Berlin de repousser illégalement des migrants vers la Pologne. Hostile à la présence prolongée de réfugiés ukrainiens – près de 900 000 aujourd’hui –, il propose de leur retirer les aides sociales. Cette rhétorique xénophobe, en phase avec son slogan « La Pologne d’abord, les Polonais d’abord », ravive les tensions avec Kiev et pourrait affaiblir le soutien polonais à l’Ukraine face à la Russie.
L’élection de Karol Nawrocki ouvre une période d’incertitude politique. Figure clivante, rejetée par les libéraux et portée par les nationalistes, il cristallise les fractures d’un pays tiraillé entre modernisation pro-européenne et repli identitaire. Sa capacité à gouverner dans un climat de confrontation institutionnelle reste à démontrer, mais ses premiers signaux laissent entrevoir un bras de fer prolongé avec l’exécutif.