Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra a dressé, mardi 9 décembre, un bilan résolument optimiste de ses dix années au pouvoir, lors de son discours sur l’état de la Nation. Il a mis en avant des améliorations substantielles dans le domaine sécuritaire, un thème central de son long discours, tandis que les députés de l’opposition avaient massivement boudé la séance, dénonçant un exercice de communication éloigné de la réalité vécue par la population.
Dans une allocution de deux heures trente, le chef de l’État a détaillé ses priorités, accordant une large place à la défense et à la réorganisation de l’armée. Il a énuméré des chiffres clés pour étayer son discours : les effectifs des Forces armées centrafricaines (FACA) seraient passés d’environ 6 000 militaires en 2016 à 26 000 en 2025, avec l’ambition d’atteindre 50 000 d’ici 2040. Touadéra a également affirmé que 10 500 ex-combattants avaient été démobilisés, que 4 500 armes et 195 000 munitions avaient été récupérées, et que onze des quatorze groupes armés signataires de l’accord de paix de 2019 s’étaient auto-dissous.
Ces annonces s’inscrivent dans un contexte de lente sortie de crise après le conflit destructeur de 2013, qui avait vu l’effondrement de l’État et la fragmentation du pays entre seigneurs de guerre. L’Accord politique pour la paix (APPR-CA) de 2019, conclu à Khartoum, reste le cadre de référence, bien que sa mise en œuvre soit partielle et contestée. L’arrivée au pouvoir de Touadéra en 2016 s’était faite dans ce chaos, avec une armée nationale fantomatique et un territoire largement contrôlé par des factions rebelles, une situation qui a justifié, à partir de 2018, le recours croissant à des partenaires militaires, notamment le groupe russe Wagner puis Africa Corps.
Les perspectives évoquées par le président concernent autant la consolidation du dispositif sécuritaire que le repositionnement diplomatique du pays. Sur le plan intérieur, l’objectif d’une armée de 50 000 hommes d’ici 2040 reste un défi immense pour un État aux finances exsangues. La poursuite du DDRR (Désarmement, Démobilisation, Réintégration et Rachat) sera cruciale pour une paix durable. Sur la scène internationale, la volonté affichée de rejoindre les BRICS, aux côtés du maintien de relations avec des partenaires traditionnels comme la France, illustre une stratégie de diversification et de recherche d’un multilatéralisme jugé plus équitable, aligné sur les puissances émergentes.
Ce discours officiel ne fait cependant pas l’unanimité. L’absence presque totale des parlementaires de l’opposition dans l’hémicycle en a été le signal le plus manifeste. Contactés par RFI, certains ont justifié leur boycott en arguant que ce bilan ne reflétait pas la réalité du pays, promettant de porter le débat sur le terrain de la campagne électorale à venir, dont le coup d’envoi était fixé au samedi 13 décembre. Cette défection parlementaire souligne la fracture politique persistante et le scepticisme autour des annonces gouvernementales.
Par ailleurs, si les chiffres avancés sur le renforcement des FACA sont présentés comme un succès, ils doivent être analysés à l’aune des défis opérationnels et de la dépendance persistante aux forces de sécurité étrangères. La démobilisation des combattants et la récupération des armes sont des processus complexes, souvent fragiles, dans un pays où l’économie de guerre et le contrôle des ressources naturelles par les armes restent une tentation pour de nombreux acteurs. La réalité sécuritaire sur le terrain, marquée par des accrochages récurrents et l’instabilité dans plusieurs provinces, continue de contrast avec le tableau d’une normalisation progressive dressé par le pouvoir.



