L’ancien président gabonais Ali Bongo fait désormais face à une vague de procédures judiciaires qui dépassent largement les frontières nationales. Plusieurs plaintes ont été déposées simultanément dans les capitales européennes et américaines, marquant une escalade juridique sans précédent dans l’après-Bongo au Gabon.
Deux figures emblématiques de l’opposition au régime Bongo ont franchi le pas judiciaire. Landry Amiang Washington, cyberactiviste emprisonné quatre années pour “outrage au chef de l’État”, et Bertrand Zibi Abeghe, ancien député incarcéré six ans pour “violences et détention illégale d’armes à feu”, ont déposé des recours devant plusieurs instances internationales. Londres, Washington, Bruxelles et bientôt Paris sont les théâtres de cette offensive juridique coordonnée. Parallèlement, l’État gabonais prépare ses propres plaintes contre la famille Bongo à Libreville et Paris d’ici la fin du mois, accusant l’ancien clan présidentiel des mêmes griefs de séquestration et torture.
Cette multiplication des procédures s’inscrit dans le contexte d’un régime autoritaire qui a marqué le Gabon pendant plus de cinq décennies. La dynastie Bongo, avec Omar puis Ali, a exercé un contrôle sans partage sur le pays, utilisant l’appareil répressif pour museler toute opposition. Les 14 années de magistère d’Ali Bongo ont été particulièrement marquées par l’emprisonnement d’opposants politiques, de journalistes et d’activistes, créant un climat de terreur qui explique aujourd’hui cette soif de justice des anciennes victimes.
Les procédures engagées soulèvent des questions majeures sur la compétence des juridictions internationales et l’application du principe de justice universelle. Les avocats des plaignants devront démontrer que les crimes allégués relèvent de la compétence des tribunaux saisis, notamment en invoquant la torture comme crime international. Cette bataille juridique pourrait créer un précédent important pour d’autres victimes de régimes autoritaires africains et influencer la manière dont la justice internationale appréhende les crimes commis par des dirigeants déchus.
Bertrand Zibi Abeghe livre un témoignage glaçant sur les conditions de détention sous le régime Bongo. “J’ai passé quatre ans au milieu des malades mentaux et des fous, totalement nu à la prison centrale”, révèle l’ancien député. Ces révélations illustrent la nature systématique des mauvais traitements infligés aux opposants et renforcent la crédibilité des accusations portées contre l’ancien président. Pour Zibi, “c’est un peuple qui, pendant 50 ans, a souffert et veut simplement que justice lui soit rendue”.
La riposte de la famille Bongo, qui dépose également plainte pour séquestration et torture contre les nouvelles autorités gabonaises, dessine les contours d’un affrontement juridique complexe. Cette guerre des plaintes révèle les tensions persistantes autour de la transition gabonaise et pose la question de la réconciliation nationale. “Nous nous retrouverons devant les tribunaux et il pourra dire sa part de vérité. Et moi la mienne également”, conclut Bertrand Zibi, anticipant un processus judiciaire qui pourrait éclairer d’un jour nouveau l’histoire politique récente du Gabon.