Outre la surveillance des activités malveillantes présumées du gouvernement russe et de ses mandataires, un projet de loi aux USA prévoit des sanctions contre les gouvernements et fonctionnaires africains qui facilitent ou contribuent à de telles activités.
Le Sénat américain, la Chambre haute du Parlement des Etats-Unis, vient d’entamer l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre les activités malveillantes de la Russie en Afrique (Countering Malign Russian Activities in Africa Act). Le texte qui a été adopté par la Chambre des représentants le 27 avril dernier, à une écrasante majorité de 419 voix, définit ces activités comme étant celles qui « sapent les objectifs et les intérêts des Etats-Unis ».
Le projet de loi stipule que le secrétaire d’Etat américain devra élaborer une stratégie décrivant les efforts des USA pour contrer l’influence et les activités malveillantes de la Fédération de Russie et de ses mandataires en Afrique.
Cette stratégie repose sur trois grands axes.
En premier lieu, le gouvernement américain devra « surveiller de très près les opérations d’influence politique et de désinformation russes ainsi que les activités des compagnies de sécurité privées russes ou financées par la Russie en Afrique ».
Cette surveillance doit également s’étendre à d’autres « mandataires du Kremlin tels que des oligarques proches du président Vladimir Poutine, des entrepreneurs financés par le gouvernement russe, et d’autres individus et entités financièrement ou politiquement associés à la Russie qui manipulent les gouvernements africains ainsi que les opinions publiques et les préférences de vote des populations africaines et des groupes de la diaspora, y compris ceux des USA ».
Les personnes ou entités proches du Kremlin qui « réalisent des investissements ou contrôlent de toute autre manière des secteurs stratégiques en Afrique comme l’exploitation des ressources naturelles, les bases militaires, les programmes de coopération dans le domaine de la sécurité en matière et les technologies de l’information et des communications » seront aussi dans le viseur de Washington.
Un mélange de soft power et de hard power
Des outils de soft power devraient par ailleurs être mis à contribution pour réduire l’influence grandissante de l’ours russe sur le continent. Le projet de loi propose en effet de « contrer l’influence de Moscou par le biais des programmes d’aide appropriés des USA » et de mener des actions sur le terrain en Afrique pour « renforcer les institutions démocratiques, consolider la transparence et la responsabilité du gouvernement, améliorer les normes relatives aux droits de l’homme, au travail, aux initiatives de lutte contre la corruption, à la transparence fiscale, surveiller les ressources naturelles et les industries extractives, et d’autres principes de bonne gouvernance ».
Cette stratégie de soft power sera combinée au hard power. Le texte prévoit de « tenir les gouvernements africains ainsi que leurs fonctionnaires et autres individus ou entités complices de la violation ou de la facilitation de l’évasion des sanctions américaines contre la Russie, et ses mandataires responsables de leurs actes, par le biais de sanctions ou d’autres restrictions ».
Le président de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, Gregory Meeks, a expliqué que le projet de loi est « conçu pour contrecarrer les efforts du président russe Vladimir Poutine visant à piller, manipuler et exploiter les ressources de certaines régions d’Afrique pour échapper aux sanctions et saper les intérêts des USA ».
Il a également qualifié le texte de « bénéfique à l’Afrique » dans la mesure où il protège, selon lui, « tous les innocents qui ont été victimes des mercenaires et des agents de Poutine, accusés de manière crédible de violations flagrantes des droits de l’homme en Afrique », en allusion aux accusations de violations de droits de l’homme qui pèsent sur les « mercenaires » de la compagnie privée russe de sécurité Wagner en République centrafricaine et au Mali.
Mais certains dirigeants africains estiment que les objectifs des Etats-Unis vont au-delà de la réduction de l’influence russe sur le continent et de la « protection des Etats fragiles d’Afrique », selon les termes de Gregory Meeks.
« Il est évident que les Etats ne sont pas satisfaits de la façon dont tant de pays africains ont voté à l’Assemblée générale des Nations unies et de leur position relativement non alignée (…) Proportionnellement à d’autres régions, un plus grand nombre d’Etats africains n’ont pas soutenu la résolution de l’Assemblée générale du 3 mars, qui condamnait l’invasion de l’Ukraine. 27 pays africains ont voté pour cette résolution. Un seul – l’Erythrée – a voté contre, tandis que 17 se sont abstenus, et les autres étaient absents », souligne Peter Fabricius, consultant à l’Institut des études pour la sécurité (ISS Africa) basé en Afrique du Sud, au Kenya, en Ethiopie et au Sénégal.
Agence Ecofin