À Madagascar, les deux principales Églises du pays ont marqué les célébrations de Noël et de fin d’année par des discours cinglants adressés à la classe dirigeante. À travers des messages sans concession, elles ont dénoncé l’hypocrisie et les abus de pouvoir des élites politiques, provoquant une onde de choc dans un contexte post-électoral déjà tendu.
Le président de l’Église protestante FJKM, le pasteur Irako Ammi Andriamahazosoa, a comparé les pratiques des dirigeants actuels à celles du roi Hérode, connu pour sa tyrannie. « Que Noël ne soit pas celui d’Hérode, un fou au pouvoir qui cache la vérité », a-t-il lancé dans un message diffusé le 24 décembre, une attaque interprétée comme un appel au respect de la transparence et à l’abandon des pratiques autoritaires. Quelques jours plus tard, le cardinal Désiré Tsarahazana, chef de l’Église catholique, a renchéri en dénonçant la persistance de pratiques corrompues au sein de l’administration, rappelant les récents scandales liés au trafic de lingots d’or et de tortues.
Ces prises de position surviennent dans un climat marqué par les soupçons d’irrégularités lors des élections municipales du 11 décembre 2024. L’opposition et une partie de la société civile contestent la légitimité des résultats, tandis que le régime en place, dirigé par le président Andry Rajoelina, est accusé de consolider son pouvoir au détriment des institutions démocratiques. Les critiques des chefs religieux résonnent ainsi comme un écho au mécontentement grandissant de la population face à la gestion du pays.
L’impact de ces messages sur la classe dirigeante reste incertain. La présidence a dénoncé des « attaques déguisées » et appelé l’Église à « rassembler et non alimenter la haine ». Pourtant, la popularité des institutions religieuses auprès de la population pourrait renforcer leur rôle en tant que gardiens des valeurs éthiques et de la justice sociale. Dans un pays où les partis politiques manquent de crédibilité, l’Église semble s’imposer comme un acteur clé du débat public.
Avec une opposition affaiblie et un pouvoir de plus en plus hégémonique, l’Église apparaît comme l’un des derniers contre-pouvoirs crédibles. Ses prises de position récurrentes sur les questions de corruption, d’injustice sociale et de gouvernance répondent aux attentes d’une population confrontée à la hausse du coût de la vie, aux coupures d’eau et d’électricité, et à une administration minée par les scandales.
Cependant, ce rôle d’arbitre expose l’Église à des pressions croissantes. Les critiques émanant du régime traduisent une volonté de limiter son influence, tout en soulignant son importance dans la vie publique. Alors que les tensions politiques s’intensifient, la capacité des leaders religieux à mobiliser les consciences pourrait peser lourd dans l’évolution du paysage politique malgache.