À Thiaroye, près de Dakar, des archéologues sénégalais en collaboration avec l’armée ont entamé des fouilles dans le but de retrouver les fosses communes des tirailleurs africains tués le 1er décembre 1944. Leur objectif : identifier les corps et établir enfin le nombre exact de victimes de ce massacre perpétré par l’armée coloniale française.
Cette démarche, lancée officiellement le 19 février, intervient dans un contexte de reconnaissance mémorielle. Les premières recherches se concentrent sur le cimetière et l’ancien camp militaire de Thiaroye. Selon la présidence sénégalaise, les résultats des fouilles seront remis directement au chef de l’État dans les prochaines semaines. Il s’agit, selon ses mots, de « restaurer la mémoire et la dignité » des victimes.
Le massacre de Thiaroye reste l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire coloniale française en Afrique. Les soldats africains, qui revenaient du front européen après avoir combattu pour la France durant la Seconde Guerre mondiale, ont été tués alors qu’ils réclamaient le paiement de leurs soldes. Les archives officielles françaises évoquent 35 morts, mais de nombreux historiens avancent un chiffre bien plus élevé : plus de 350 victimes.
Ces fouilles pourraient marquer un tournant. Pour la première fois, un État africain prend l’initiative de rechercher les restes de ses anciens combattants tués par l’armée coloniale. Au-delà de la quête de vérité, cette démarche pourrait rouvrir le débat sur les réparations et la mémoire partagée entre la France et ses anciennes colonies.
Le travail des archéologues est étroitement suivi par la communauté universitaire et les descendants des tirailleurs. Ces derniers espèrent que cette opération permettra de briser le silence et de faire justice, même symbolique, aux victimes. Des témoignages familiaux, longtemps étouffés, refont surface, nourrissant le besoin collectif de vérité.
L’initiative sénégalaise pourrait inspirer d’autres pays africains à réexaminer les zones d’ombre de leur passé colonial. À l’heure où les questions de mémoire se retrouvent au cœur des relations franco-africaines, Thiaroye devient un symbole : celui d’un passé que l’on ne peut plus enterrer.