Le 27 avril 2025, 18 figures de la société civile nigériane ont publié une lettre ouverte dans laquelle elles accusent le président Bola Tinubu de mener une politique visant à instaurer un « parti unique » au Nigeria. Ces personnalités, issues de divers horizons comme la politique, les universités ou les ONG, s’inquiètent de la vague de défections qui touche le Parti démocratique populaire (PDP), l’opposition, au profit de l’All Progressives Congress (APC), le parti au pouvoir. Selon elles, ces changements de cap seraient le fruit de pressions politiques exercées par le gouvernement.
Les signataires de la lettre mettent en cause l’utilisation de « la peur et des pressions » pour contraindre les sénateurs, gouverneurs et députés de l’opposition à rejoindre l’APC. Un exemple frappant de cette dynamique est l’abandon du PDP par le gouverneur de l’État de Delta, qui a rejoint l’APC en avril 2025. De plus, la région voisine de Rivers, traditionnellement un bastion de l’opposition, est sous contrôle direct du gouvernement depuis la nomination d’un administrateur par Abuja, après l’instauration de l’état d’urgence. Les critiques estiment que cette situation marque une nouvelle étape dans l’affaiblissement du pluralisme politique du pays.
Le Nigeria a longtemps été une démocratie fragile, marquée par des périodes de régimes militaires et des tensions politiques internes. Depuis la fin de la dictature militaire dans les années 1990, le pays a fait des progrès significatifs vers un système démocratique, mais les défis restent nombreux. Les accusations de manipulation des partis politiques et d’utilisation des institutions publiques à des fins partisanes ne sont pas nouvelles. Cependant, cette vague de défections, associée à l’emprise croissante de l’APC sur le paysage politique, ravive des craintes concernant la solidité de la démocratie nigériane.
Alors que les voix critiques se multiplient, la présidence nigériane a répondu fermement, qualifiant ces accusations de « alarmistes » et affirmant que la démocratie est plus vivante que jamais. Selon le porte-parole du président, les nombreux ralliements au sein du PDP sont simplement dus aux « réformes convaincantes » menées par le gouvernement de Tinubu, et non à des pressions indûment exercées. Cette réponse a pour but de rassurer l’opinion publique, mais elle soulève aussi la question de savoir si l’APC est en train de solidifier son emprise sur le pays ou si ces allégations reflètent une véritable menace pour le pluralisme politique.
La lettre ouverte des 18 figures de la société civile, bien qu’elle n’ait pas trouvé de réponse officielle immédiate de l’opposition, a suscité une large discussion au sein de la population. Des analystes politiques et des citoyens expriment leur inquiétude quant à la possibilité que le Nigeria, autrefois un exemple de pluralisme en Afrique, devienne un État où la liberté d’opposition serait étouffée. Ces événements rappellent les luttes historiques pour la démocratie et la séparation des pouvoirs, et soulignent la nécessité d’une vigilance accrue pour éviter une dérive autoritaire.
Si les accusations d’un « parti unique » sont loin d’être prouvées, elles sont révélatrices d’une tension croissante dans un contexte politique déjà fragile. La réaction de la société civile et les réponses du gouvernement vont probablement façonner l’avenir politique du pays. Il reste à savoir si cette situation conduira à une réforme politique en profondeur ou si elle mettra au contraire le Nigeria sur la voie d’un affaiblissement de ses institutions démocratiques. Les mois à venir s’annoncent cruciaux pour l’avenir de la démocratie nigériane.