La révocation par Washington de la certification internationale de l’université Harvard a pris de court des milliers d’étudiants étrangers, dont un nombre croissant de jeunes Africains. Cette décision, annoncée le 22 mai par le département de la Sécurité intérieure, interdit à l’établissement d’inscrire de nouveaux étudiants internationaux, tout en menaçant d’expulsion ceux déjà présents sur le territoire américain.
Harvard, qui accueille actuellement quelque 6 800 étudiants étrangers – soit 27 % de ses effectifs –, doit désormais faire face à une crise sans précédent. Les étudiants concernés doivent soit quitter les États-Unis, soit être transférés vers d’autres universités américaines. La mesure, qualifiée d’« illégale et punitive » par l’institution, intervient après le refus de Harvard de transmettre certaines informations sur des détenteurs de visas, selon les autorités américaines. L’administration Trump évoque en outre des accusations de violences sur le campus, d’antisémitisme et de supposés liens avec le Parti communiste chinois.
Ce bras de fer entre l’exécutif américain et Harvard ne date pas d’hier. En amont de cette décision, le gouvernement avait déjà suspendu 2,2 milliards de dollars de financements fédéraux à l’université, dans un contexte de tension sur la gestion de l’antisémitisme sur le campus. Au-delà des justifications sécuritaires avancées, cette politique s’inscrit dans une volonté plus large de resserrer le contrôle migratoire et universitaire, marqueur de la politique éducative de Donald Trump.
Parmi les étudiants africains les plus touchés, les Nigérians occupent une place de premier plan. Pour l’année académique 2023-2024, les États-Unis ont accueilli plus de 20 000 étudiants nigérians, un chiffre en hausse de 13,5 % par rapport à l’année précédente. Harvard, et notamment sa Business School, comptent une forte proportion d’étudiants d’origine nigériane. Ces derniers, bien que représentant une minorité de la population noire aux États-Unis, occupent une position académique remarquable. Un quart des étudiants noirs de la Harvard Business School sont d’origine nigériane, selon les données disponibles.
Cette politique remet en question l’un des principaux canaux de mobilité pour une jeunesse africaine aspirant à rejoindre les meilleures universités du monde. Le rêve américain d’une élite intellectuelle africaine se heurte aujourd’hui à un mur politique. Au-delà du symbole Harvard, c’est l’ensemble de la stratégie d’ouverture académique des États-Unis qui pourrait être remis en cause.
Face à cette incertitude, les étudiants africains pourraient se tourner vers d’autres destinations : le Canada, le Royaume-Uni, ou même certains pôles universitaires en pleine expansion sur le continent africain, comme l’Afrique du Sud, commencent à émerger comme alternatives crédibles. Les prochaines décisions de Washington seront scrutées de près par les familles, les institutions et les gouvernements africains soucieux de l’avenir de leur jeunesse formée à l’international.