Le 19 mars 2025, la cour d’appel de Paris a entamé l’examen d’une requête du parquet national anti-terroriste (PNAT) demandant la mise en examen d’Agathe Habyarimana, l’ex-Première Dame du Rwanda, pour « entente en vue de commettre un génocide » et d’autres crimes contre l’humanité. Ce dossier judiciaire pourrait marquer une avancée significative dans l’enquête sur le rôle de l’ancienne Première Dame dans les événements tragiques du génocide des Tutsis, survenu en 1994 au Rwanda.
L’enquête visant Agathe Habyarimana a été ouverte en 2007 après une plainte déposée par le collectif des parties civiles pour le Rwanda. L’ex-Première Dame, veuve du président Juvenal Habyarimana, dont l’assassinat est souvent pointé comme le déclencheur du génocide, est accusée d’avoir entretenu des liens avec les cercles les plus radicaux du régime hutu. Si la cour d’appel de Paris statuera sur cette requête, cela pourrait conduire à une mise en examen pour son rôle présumé dans la préparation du génocide, en particulier en ce qui concerne l’entente avec des figures clé du régime extrémiste. Toutefois, les avocats d’Agathe Habyarimana jugent ce dossier sans fondement et jugent la démarche « politique », plaidant pour un non-lieu.
Agathe Habyarimana, qui a trouvé refuge à Paris dès le début des massacres en 1994, fait l’objet d’une attention particulière de la part des autorités judiciaires françaises, en raison de son rôle au sein des élites rwandaises à l’époque du génocide. Bien qu’elle n’ait jamais été formellement inculpée, son nom reste associé aux cercles les plus extrémistes de Kigali. En 2016, elle a été placée sous le statut de témoin assisté, et en décembre 2024, elle a été entendue à nouveau par le juge. La procédure judiciaire, qui dure depuis plusieurs années, repose sur des témoignages et des éléments qui pointent sa proximité avec les responsables du génocide, mais les accusations restent controversées.
L’examen de cette nouvelle requête pourrait marquer un tournant dans la procédure, car elle offre au parquet l’opportunité de faire progresser l’enquête en étendant la période de référence aux mois précédant le génocide, au-delà des trois jours qui ont immédiatement suivi l’assassinat de Habyarimana. Si la cour accepte les demandes du ministère public, cela pourrait permettre une réévaluation du rôle de l’ex-Première Dame dans les événements qui ont mené au massacre de près de 800 000 Tutsis et Hutus modérés. Cette procédure pourrait également remettre en lumière des faits souvent ignorés ou sous-estimés dans les investigations précédentes.
Le collectif des parties civiles pour le Rwanda, dirigé par Alain Gauthier, considère cette demande de mise en examen comme une étape cruciale. Pour lui, c’est une condition sine qua non pour que l’enquête avance et que justice soit rendue aux victimes du génocide. À l’opposé, l’avocat d’Agathe Habyarimana, Me Philippe Meilhac, dénonce ce qu’il qualifie de « coup de poker judiciaire », arguant que les accusations sont infondées et motivées par des considérations politiques plutôt que juridiques. Ce clivage entre les défenseurs des victimes et ceux de l’ex-Première Dame met en lumière l’aspect profondément politique de cette affaire, d’autant plus que les relations entre la France et le Rwanda restent marquées par des tensions sur le passé colonial et l’implication de la France dans le génocide.
Bien qu’Agathe Habyarimana ait 82 ans et ne soit pas présente lors de l’audience du 19 mars, le sort de cette procédure demeure incertain. La cour d’appel a décidé de reporter sa décision au 21 mai 2025, en raison de l’absence de certains documents essentiels. Ainsi, même si la requête du parquet pourrait aboutir à de nouvelles investigations, la durée de cette affaire souligne les défis d’une justice internationale lente et parfois marquée par des considérations diplomatiques complexes. En attendant, l’attente perdure pour les victimes du génocide, qui espèrent encore voir la justice triompher.