Le 8 avril 2025, la Fondation Mo Ibrahim a annoncé l’arrivée de nouveaux membres au sein de son Conseil et du Comité du Prix Ibrahim pour le leadership africain, dont l’ancien président sénégalais Macky Sall. Cette décision, bien qu’accueillie favorablement par certains, a rapidement suscité une vive controverse dans les cercles intellectuels sénégalais. Le 11 avril, une tribune signée par une soixantaine d’intellectuels et de professeurs d’université a été publiée, appelant la Fondation à revenir sur sa décision.
Les intellectuels et professeurs d’université qui ont signé la tribune expriment leur désapprobation face à la nomination de Macky Sall, qu’ils jugent incompatible avec les principes de gouvernance démocratique que la Fondation Mo Ibrahim promeut. Parmi eux, Oumar Dia, maître de conférence en philosophie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, souligne les divergences majeures entre les actions de l’ancien président et les valeurs de la Fondation. Ils rappellent notamment les événements controversés entourant la tentative de report de l’élection présidentielle de février 2024, qui a finalement été annulée après une pression exercée par le Conseil constitutionnel.
La nomination de Macky Sall à la Fondation Mo Ibrahim survient dans un contexte politique tendu au Sénégal, où son second mandat, achevé en 2024, a été marqué par des accusations de dérive autoritaire. De nombreux observateurs et membres de l’opposition dénoncent la répression de l’opposition et des journalistes, ainsi que les tentatives de manipulation des institutions démocratiques pour prolonger son pouvoir. Cette nomination suscite ainsi des interrogations sur l’éthique de la Fondation Mo Ibrahim, connue pour son engagement en faveur de la bonne gouvernance et du respect des droits humains en Afrique.
L’inclusion de Macky Sall dans le comité de la Fondation Mo Ibrahim soulève des questions sur la position de cette organisation vis-à-vis des anciens dirigeants africains et de leurs bilans démocratiques. Alors que la Fondation se félicite de la diversité de ses membres, la controverse sénégalaise souligne une tension entre la reconnaissance internationale de certains dirigeants et la perception locale de leur gouvernance. Si la Fondation choisit de maintenir sa décision, elle pourrait perdre une partie de sa crédibilité auprès de ceux qui estiment que des responsables autoritaires n’ont pas leur place dans des organes de promotion de la démocratie.
Les signataires de la tribune appellent à une réévaluation de cette nomination et estiment qu’elle envoie un mauvais signal. Pour eux, c’est une prime à la violation des droits humains et une remise en cause des principes démocratiques. Oumar Dia, en particulier, exprime sa colère face à ce qu’il perçoit comme une récompense pour un mandat marqué par des abus de pouvoir. Cette réaction s’inscrit dans un débat plus large sur la place des anciens dirigeants dans les organisations internationales et les critères de sélection de ces institutions, qui prônent des valeurs de transparence, de respect des libertés et des droits fondamentaux.
Cette polémique pourrait avoir des répercussions sur la réputation de la Fondation Mo Ibrahim, qui pourrait se retrouver dans l’obligation de clarifier sa position. L’organisation pourrait également se voir confrontée à un dilemme entre ses engagements internationaux et les réalités politiques locales. L’avenir de cette nomination pourrait ainsi dépendre de la manière dont la Fondation choisira de répondre aux critiques qui lui sont adressées, notamment en prenant en compte les préoccupations exprimées par les intellectuels sénégalais.