L’ambassadeur tanzanien Humphrey Polepole, ancien fidèle du défunt président John Magufuli, a annoncé sa démission le 13 juillet, dénonçant des dérives gouvernementales contraires aux droits humains et à la dignité. Dans une lettre adressée à la présidente Samia Suluhu Hassan, il affirme que la gouvernance actuelle a « abandonné la défense des droits fondamentaux ». Cette rupture publique marque un tournant : c’est la première fois depuis les années 1960 qu’un diplomate tanzanien quitte ses fonctions pour de telles raisons.
Polepole n’a pas mâché ses mots. Il accuse frontalement le Chama cha Mapinduzi (CCM), le parti au pouvoir, d’avoir trahi ses principes. Ce ton direct et inhabituel dans la bouche d’un diplomate interpelle. Il témoigne d’un malaise plus large au sein du CCM, notamment à la veille de ses élections internes. Pour l’analyste Thomas Kibwana, cette sortie révèle des tensions profondes entre factions, dans un parti historiquement verrouillé mais désormais fragilisé.
La démission intervient dans un climat politique particulièrement sensible. Le CCM doit organiser ses élections internes dans les jours qui viennent, alors que l’opposant Tundu Lissu doit comparaître une nouvelle fois dans le cadre d’un procès pour trahison. Ces événements ravivent les inquiétudes sur l’état de la démocratie tanzanienne et sur les méthodes de répression politique utilisées contre les voix critiques.
Si le geste de Humphrey Polepole alimente la critique du régime, il n’échappe pas à la lecture stratégique. Mis à l’écart des cercles influents depuis trois ans, l’ancien ambassadeur pourrait chercher à se repositionner dans le jeu politique en se distanciant d’un pouvoir impopulaire. Son retour sur la scène publique, dans un contexte électoral chargé, semble viser à réaffirmer sa place dans le camp des réformateurs du CCM.
Au-delà de la personne de Polepole, cette séquence révèle les fissures d’un système longtemps présenté comme monolithique. La polarisation au sein du CCM, l’acharnement judiciaire contre Tundu Lissu et l’exaspération croissante d’une partie de l’opinion montrent que le pouvoir tanzanien entre dans une zone d’instabilité. Le parti au pouvoir devra composer avec ces tensions s’il veut éviter l’érosion de sa légitimité à l’approche des échéances électorales.