Au Tchad, l’affaire impliquant Succès Masra, ex-Premier ministre et leader du parti d’opposition « Les Transformateurs », prend de l’ampleur. Accusé d’incitation à la haine et soupçonné d’avoir orchestré le massacre de Mandakao du 14 mai, qui a coûté la vie à 42 personnes, il fait désormais face à l’État tchadien. En effet, l’agence judiciaire de l’État s’est constituée partie civile dans cette affaire.
Placée en détention préventive depuis le 21 mai à Ndjamena, la figure de l’opposition tchadienne est présentée par les avocats de l’État comme le concepteur d’un message audio « extrémiste », jugé responsable de la violence ayant éclaté à Mandakao. Selon Me Abdoulaye Adam Bahar, l’un des avocats du collectif, cette attaque, ciblant principalement la communauté peule, aurait été planifiée avec méthode. En réponse, la défense de Succès Masra, menée notamment par Me Francis Kadjilembaye, dénonce une instrumentalisation de la justice à des fins politiques.
Cette affaire intervient dans un contexte politique déjà fragile au Tchad, marqué par des tensions communautaires et un climat d’incertitude. Le massacre de Mandakao, survenu quelques jours avant l’arrestation de Masra, a exacerbé ces tensions, ravivant les divisions au sein de la société tchadienne. L’État, en se portant partie civile, entend souligner sa volonté d’obtenir justice pour les victimes, mais ses détracteurs y voient une manœuvre politique visant à affaiblir l’opposition.
Alors que la défense de Masra se renforce, avec l’intervention du cabinet français Bourdon & Associés, le gouvernement tchadien dénonce une ingérence étrangère. Le porte-parole du gouvernement promet d’empêcher l’arrivée des avocats français, une position jugée infondée par le bâtonnier Me Laguerre Djerandi Dionro, qui rappelle qu’aucun texte n’interdit aux accusés de faire appel à des avocats étrangers. La bataille juridique s’annonce longue et âpre.
La constitution de l’État comme partie civile pose la question du poids des institutions dans le traitement de cette affaire. Certains observateurs craignent que la justice tchadienne ne soit instrumentalisée à des fins politiques. Le procès à venir pourrait cristalliser davantage les tensions dans un pays où la contestation politique est souvent muselée. Pour l’heure, Succès Masra continue de clamer son innocence, et ses soutiens appellent à sa libération.