Au-delà de ses gisements d’or et de minéraux critiques, l’Afrique produit désormais des métaux ultra-rares dont l’importance stratégique dépasse leur notoriété. Le Zimbabwe vient d’inaugurer sa première usine commerciale de pollucite, l’Afrique du Sud continue d’extraire du ruthénium devenu l’un des métaux les plus chers au monde, tandis que la République démocratique du Congo exporte pour la première fois du germanium depuis 2024.
La pollucite zimbabwéenne, exploitée par la société chinoise Sinomine, peut produire entre 150 et 300 tonnes mensuelles de ce minéral cristallin, principale source mondiale de césium. Ce métal stratégique, négocié à 2 850 dollars l’once, alimente les horloges atomiques et les fluides de forage. Parallèlement, le ruthénium sud-africain et zimbabwéen, sixième métal le plus rare au monde, a vu son cours doubler depuis 2024 pour atteindre 800 dollars l’once. Le germanium congolais, extrait par la STL à Lubumbashi, s’échange quant à lui à 820 dollars l’once.
Cette émergence s’inscrit dans un contexte où l’Afrique détient 30% des réserves mondiales de minéraux critiques selon l’Agence internationale de l’énergie. Face à la domination chinoise sur 60% de l’offre mondiale de germanium, le continent africain s’impose comme un pôle alternatif stratégique. Les réserves mondiales de pollucite, estimées à moins de 200 000 tonnes en 2023, se concentrent principalement au Canada, en Australie, en Chine et en Namibie, positionnant l’Afrique comme un acteur incontournable.
L’essor de ces métaux rares coïncide avec les besoins croissants du secteur technologique. Le ruthénium, utilisé dans l’électronique et le stockage d’énergie, voit sa demande dopée par l’intelligence artificielle selon l’analyste Sandeep Kaler. Le germanium congolais répond aux exigences des télécommunications, de la défense et des semi-conducteurs grâce à ses propriétés électroniques et optiques. Cette dynamique devrait maintenir la pression haussière sur les cours dans les années à venir.
Cette rareté constitue paradoxalement un frein au développement de ces filières. L’USGS souligne que la faible disponibilité mondiale du césium pousse de nombreuses applications vers des substituts minéraux, rendant certains usages non viables économiquement. La concentration géographique de la production mondiale de ces métaux ultra-spécialisés limite leur attractivité industrielle, contraignant les consommateurs à rechercher des alternatives plus accessibles.
Ces développements illustrent la capacité du continent à diversifier son portefeuille minier au-delà des matières premières traditionnelles. L’infrastructure hydrométallurgique congolaise de la STL ou l’usine zimbabwéenne de Sinomine témoignent d’une montée en gamme technologique. Cette évolution positionne l’Afrique comme un laboratoire d’innovation dans l’extraction et la transformation de métaux ultra-spécialisés, ouvrant de nouvelles perspectives de valorisation de son sous-sol exceptionnel.