Le président de Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo, a brusquement limogé le gouvernement dirigé par Rui Duarte Barros ce 7 août, à moins de quatre mois des élections générales prévues le 23 novembre. Sans fournir de justification officielle, il a immédiatement nommé à la tête du gouvernement Braima Camara, figure influente du MADEM G15 et ancien rival politique au sein de sa propre majorité.
Le choix de Braima Camara n’est pas anodin. Longtemps perçu comme un concurrent interne d’Embalo au sein du Mouvement pour l’alternance démocratique (MADEM G15), Camara incarne une frange du parti critique de la gestion présidentielle. En le propulsant à la primature, Embalo tente vraisemblablement de désamorcer les tensions internes et de resserrer les rangs autour de sa candidature à la présidentielle. Cette manœuvre pourrait servir à verrouiller l’appareil d’État en amont d’une campagne qui s’annonce tendue.
Ce changement de gouvernement intervient dans un climat politique fragilisé. Le mandat d’Umaro Sissoco Embalo est contesté par l’opposition, qui affirme qu’il aurait dû s’achever en février dernier. Le Premier ministre sortant, Rui Duarte Barros, issu du PAIGC, n’a réagi publiquement ni sur son limogeage ni sur les intentions réelles du chef de l’État. Nommé en décembre 2023, son court passage à la primature s’inscrit dans une série d’instabilités gouvernementales chroniques, caractéristiques du paysage politique bissau-guinéen depuis deux décennies.
La présidentielle du 23 novembre, couplée à des élections législatives, s’annonce comme un test crucial pour la stabilité du pays. En s’autoproclamant candidat à sa propre succession, Umaro Sissoco Embalo entre de nouveau dans l’arène électorale alors que sa légitimité est fragilisée. La recomposition du gouvernement à quelques mois du scrutin renforce les soupçons d’une instrumentalisation des institutions en sa faveur. L’opposition, bien que silencieuse pour l’instant, pourrait réagir fortement dans les semaines à venir.
Ce limogeage inattendu et cette nomination calculée traduisent une volonté claire : celle de se présenter à la présidentielle avec un exécutif fidèle et discipliné. En confiant les clés du gouvernement à Braima Camara, Embalo parie sur une dynamique d’unité au sein du MADEM G15 pour neutraliser les voix discordantes et maximiser ses chances de reconduction. Mais cette opération de recentrage pourrait aussi se retourner contre lui si elle ravive les divisions ou si elle est perçue comme une tentative de confiscation du pouvoir.