L’administration américaine redéfinit sa stratégie diplomatique en Afrique, misant désormais sur le commerce plutôt que l’aide au développement. Sous l’impulsion de la doctrine « du business, pas de l’aide », Washington veut faire de ses ambassades de véritables plateformes commerciales, soutenant les entreprises américaines et contrecarrant l’influence grandissante de la Chine.
Ce virage est incarné par Christopher Landau, sous-secrétaire d’État américain, qui affirme sans détour que « l’investissement commercial est désormais au cœur de l’action extérieure ». Plus de 1 000 agents commerciaux sont aujourd’hui déployés dans les ambassades pour faciliter les échanges et les partenariats. Les ambassadeurs sont désormais jugés non plus seulement sur leurs compétences diplomatiques, mais aussi sur leur capacité à décrocher des contrats pour les entreprises américaines. Résultat : 33 accords ont déjà été signés en 100 jours, pour un total de 6 milliards de dollars.
Cette nouvelle approche s’inscrit dans un contexte de rivalité économique croissante sur le continent africain. Depuis plusieurs années, la Chine y investit massivement dans les infrastructures, les mines et les technologies. Pour les États-Unis, il ne s’agit plus d’assister un continent perçu comme fragile, mais de le considérer comme un marché à fort potentiel. « L’Afrique n’est plus un bénéficiaire, c’est un partenaire », résume Troy Fitrell, responsable du Bureau des Affaires africaines, en mission récemment en Afrique de l’Ouest.
Le continent africain représente un enjeu majeur pour les prochaines décennies. Avec une population estimée à 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050 et un pouvoir d’achat en forte croissance, les perspectives économiques sont énormes. Pourtant, les exportations américaines vers l’Afrique subsaharienne demeurent marginales. Pour changer cela, Washington mise sur une coopération commerciale renforcée, qui sera au cœur du prochain sommet États-Unis–Afrique prévu à l’automne.
Cette offensive économique se traduit déjà concrètement dans la région des Grands Lacs. Alors que les discussions diplomatiques se poursuivent pour stabiliser l’est de la RDC, les États-Unis s’activent sur le front économique. Le 13 mai, une lettre d’intention a été signée entre Trinity Metals, une entreprise rwandaise spécialisée dans les minerais 3T (étain, tungstène, tantale), et des partenaires américains, en présence de Kim Harrington, haute responsable du département d’État.
La déclaration de principes récemment signée entre la RDC et le Rwanda, facilitée par les États-Unis, illustre cette volonté de sécuriser les intérêts américains dans les minerais dits critiques. Ces ressources sont essentielles pour l’industrie technologique et énergétique américaine. En les intégrant dans leur stratégie diplomatique, les États-Unis veulent s’assurer un accès durable à ces matières premières, tout en consolidant leur influence dans une région géopolitiquement instable mais économiquement cruciale.