Le mardi 21 janvier, la commission d’historiens chargée d’analyser le rôle de la France dans la répression des mouvements indépendantistes au Cameroun a remis son rapport au président Emmanuel Macron. Ce document volumineux de près de 1 000 pages est le fruit d’un travail minutieux de près de deux ans et sera transmis au président camerounais Paul Biya avant sa publication.
Sous la direction de la chercheuse française Karine Ramondy, treize historiens français et camerounais ont collaboré pour examiner les responsabilités des acteurs français et camerounais dans la période allant de 1945 à 1971. Cette période, marquée par des massacres perpétrés d’abord par l’armée française, puis par les troupes du président Ahmadou Ahidjo, a coûté la vie à des dizaines de milliers de Camerounais. L’accès exceptionnel à des archives françaises déclassifiées a permis à la commission de documenter ces événements avec une précision inédite.
Les relations franco-camerounaises sont depuis longtemps marquées par ce chapitre douloureux de leur histoire commune. Malgré la reconnaissance partielle de ces faits par François Hollande en 2015, cette période reste largement méconnue du grand public, tant en France qu’au Cameroun. Emmanuel Macron, dans un discours précédent, avait souligné l’importance de ne plus « refouler » cette histoire et d’approfondir le travail de mémoire entre les deux pays.
Le rapport pourrait constituer une étape cruciale dans la reconnaissance officielle par la France de son rôle dans cette période sombre. La chercheuse Karine Ramondy a exprimé le souhait que ces conclusions intègrent les programmes scolaires, contribuant ainsi à sensibiliser les jeunes générations. Emmanuel Macron devra maintenant décider des suites à donner à ce travail, notamment en matière de reconnaissance ou d’excuses officielles.
Les enjeux de cette démarche dépassent le cadre historique. Pour de nombreux observateurs, une reconnaissance explicite pourrait apaiser les tensions encore latentes et renforcer les relations bilatérales. Par ailleurs, le Cameroun pourrait utiliser ce rapport pour approfondir sa propre introspection sur cette période de son histoire, en confrontant les récits locaux et français.
Plusieurs historiens soulignent que ce rapport pourrait également inspirer d’autres nations à revisiter leurs passés coloniaux. Cependant, certains critiques craignent que l’impact de cette initiative soit limité si elle ne s’accompagne pas d’actions concrètes. L’attention se tourne désormais vers Yaoundé, où la remise officielle du rapport au président Paul Biya, prévue le 28 janvier, pourrait marquer un nouveau tournant dans ce travail de mémoire partagé.