Arrêté le 16 mai à son domicile, l’ancien Premier ministre tchadien et leader du parti Les Transformateurs, Succès Masra, est toujours en garde à vue. Il est soupçonné d’avoir incité aux violences meurtrières de Mandakao via un message audio diffusé en langue ngambay. Ses avocats rejettent fermement tout lien entre leur client et les affrontements qui ont coûté la vie à 42 personnes, en majorité des femmes et des enfants.
Selon les autorités judiciaires et plusieurs membres du gouvernement, un message audio devenu viral sur les réseaux sociaux aurait contribué à attiser les tensions entre agriculteurs et éleveurs dans le sud du pays. Cet enregistrement, attribué à Masra et diffusé dans sa langue maternelle, est présenté comme un appel à la haine. Les violences, survenues le 14 mai dans la localité de Mandakao, auraient été directement influencées par ce contenu selon les autorités.
Pour la défense, il s’agit d’un acharnement politique. Les avocats rappellent que l’audio mentionné est accessible publiquement depuis le 23 mai 2023 sur la chaîne YouTube des Transformateurs. Ils soulignent que cet enregistrement avait déjà été visé par un mandat d’arrêt à l’époque, avant d’être annulé dans le cadre des accords de Kinshasa et couvert par une amnistie. « On ne peut pas ressusciter un élément ancien pour justifier une arrestation aujourd’hui », déclare Me Francis Kadjilembaye, l’un des avocats.
La garde à vue de Masra, en pleine période post-électorale tendue, risque de raviver les tensions entre pouvoir et opposition. Si une audition devant un juge est prévue dans les prochains jours, ses avocats exigent d’ores et déjà sa libération immédiate. Ils affirment ne pas avoir eu accès au dossier d’instruction et dénoncent une détention arbitraire motivée par des raisons politiques.
Les affrontements entre éleveurs et agriculteurs, fréquents dans certaines régions du sud, trouvent leurs racines dans des conflits liés à l’accès à la terre, aggravés par des tensions ethniques et politiques. Le massacre de Mandakao s’inscrit dans cette dynamique de violence récurrente que les autorités peinent à contenir. L’instrumentalisation supposée d’un leader politique dans ce contexte complexifie encore davantage la lecture de la crise.
Succès Masra n’en est pas à sa première confrontation avec les autorités. Déjà critiqué pour ses prises de position tranchées et son opposition frontale au régime de transition, il avait brièvement occupé le poste de Premier ministre avant de revenir dans l’opposition. Cette nouvelle arrestation pourrait renforcer sa posture de victime politique auprès de ses partisans, mais aussi compromettre un processus de réconciliation encore fragile.