Dans le sillage de la refonte institutionnelle engagée par les autorités de transition, la Cour suprême du Mali a lancé, le 17 juin 2025, un audit couvrant un quart de siècle de financement public des partis politiques, de juillet 2000 à mai 2025. Les anciens dirigeants des formations récemment dissoutes ont jusqu’au 30 juin pour produire tous les documents comptables justifiant l’utilisation des fonds publics.
Ce vaste audit est conduit par la Section des comptes de la Cour suprême. Il exige la remise d’états financiers complets, relevés bancaires, journaux de caisse et autres pièces justificatives. Les partis concernés sont ceux dissous par décret le 13 mai, soit près de 300 formations, parmi lesquelles des poids lourds de la scène politique comme le RPM, l’ADEMA ou encore Yelema. L’objectif affiché est de faire toute la lumière sur l’usage des fonds publics dans un système politique aujourd’hui mis en cause.
Cette opération s’inscrit dans une démarche plus large de « refondation politique » voulue par le régime du général Assimi Goïta. Elle fait suite à la consultation des forces vives organisée fin avril, qui a appelé à la dissolution des partis et à la reconduction possible du mandat présidentiel pour cinq ans. Le gouvernement entend aligner le Mali sur la trajectoire institutionnelle de la Confédération des États du Sahel, selon les termes du projet de loi validé en Conseil des ministres le 11 juin.
Si le gouvernement justifie la mesure par une volonté de transparence et de moralisation de la vie politique, l’opposition dénonce une manœuvre d’effacement du pluralisme et un verrouillage du pouvoir. Plusieurs experts des droits humains alertent sur les dérives autoritaires d’un système où les contre-pouvoirs sont réduits à néant. La suppression du financement des partis — gelé depuis 2018 malgré une allocation annuelle prévue à hauteur de 0,25 % des recettes fiscales — ajoute à la déstructuration du champ politique.
L’audit apparaît ainsi comme un jalon stratégique dans la recomposition du paysage institutionnel malien. Il pourrait aboutir à des poursuites judiciaires si des irrégularités sont constatées, mais aussi servir de levier politique pour écarter d’anciens acteurs jugés encombrants. À terme, le régime devra démontrer que cette démarche va au-delà de la seule purge politique et s’inscrit dans un véritable projet de refondation démocratique — une condition sine qua non pour restaurer la confiance des citoyens.
Au-delà de l’enjeu judiciaire, cette opération de reddition des comptes est scrutée à l’échelle régionale et internationale. Dans un Sahel en recomposition, où les régimes militaires cherchent à se légitimer par la mise en place de nouveaux cadres institutionnels, le cas malien servira de test. Mais il reste à savoir si l’exigence de transparence ira de pair avec un engagement réel en faveur des libertés publiques et du retour à un ordre constitutionnel crédible.