Moussa Dadis Camara est de retour en prison, a annoncé son avocat ce samedi 4 novembre dans l’après-midi. L’ancien président guinéen, détenu à la Maison centrale de Conakry depuis plus d’un an, avait été sorti de sa cellule ce matin peu avant l’aube par un commando lourdement armé.
Depuis qu’il avait été sorti de sa cellule, ce samedi matin, Moussa Dadis Camara était recherché à travers la capitale, quadrillée par les Forces de défense et de sécurité. Selon l’avocat de Dadis Camara, il ne s’agissait pas d’une évasion, mais plutôt un enlèvement.
L’avocat explique que l’ancien président a été brutalement réveillé dans son sommeil, avant que des hommes armés ne l’extirpent de force de sa cellule ainsi que ses trois codétenus que sont le colonel Moussa Tiegboro Camara, le colonel Claude Pivi et le gendarme Blaise Goumou.
Tous sont en prison, depuis plus d’un an, au moins, et tous sont poursuivis pour leur rôle présumé dans le massacre du 28 septembre 2009 qui avait provoqué la mort de près de 160 personnes et le viol d’une centaine de femmes.
Lors de l’attaque de la prison par un commando dont le raid a réveillé Conakry au son d’armes automatiques, deux personnes sont mortes, dont une fillette de six ans, et de nombreuses autres ont été blessées, sans que l’on sache dans quelles circonstances. Une délégation gouvernementale s’est rendue au chevet des blessés à l’hôpital Donka et réconforté les familles des victimes.
Des zones d’ombres et des interrogations
Plusieurs zones d’ombre planent sur ce que les autorités guinéennes considèrent comme une tentative d’évasion. Une des premières interrogations concerne la composition du commando venu libérer Dadis et ses co-détenus. Une question cruciale alors que la Guinée est dans une nouvelle transition militaire et que l’unité de l’armée a souvent fait défaut dans sa gestion du pouvoir politique.
Une autre interrogation concerne les moyens qui ont permis à ce groupe lourdement équipé d’arriver jusqu’à la Maison centrale sans se faire remarquer. La prison est située dans le centre-ville de Kaloum, où siège la présidence et dont l’entrée est très surveillée par l’armée, depuis le coup d’état du 5 septembre 2021. Kaloum est aujourd’hui la commune la mieux gardée du pays. Et la Maison centrale étant elle-même encerclée par plusieurs postes militaires.
Quelles sont les complicités éventuelles au sein de la prison, voire au sein de l’armée ? À quel niveau remontent-elles ? Autant de questionnements auxquels devra répondre l’enquête ouverte par le procureur général sur les circonstances de l’évasion.
« Moussa Dadis Camara ne s’est pas évadé », selon son avocat
D’après Maître Lamah, Dadis Camara a été enlevé par ce groupe armé. Il a pu parler à son client par téléphone qui lui a expliqué avoir réussi à échapper à ses ravisseurs présumés, avant de reprendre le chemin de la prison, même si l’avocat n’a pas souhaité détailler les conditions exactes dans lesquelles l’ancien chef de la junte du CNDD est revenu à la Maison centrale.
« Ce qu’il faut souligner aujourd’hui, c’est que l’État a failli dans son obligation a sécurisé la Maison centrale de Conakry. Le président Moussa Dadis Camara ne s’est pas évadé, il n’était pas en fuite. Il a été mis devant une situation qui l’a dépassé […] Il est venu, ce n’est pas maintenant qu’il va se soustraire à la justice. Surtout qu’il a en face de lui, un dossier qui est vide », avance Maître Lamah.
Le colonel Tiegboro, lui aussi sorti de la prison, a également affirmé à son avocat avoir trompé la vigilance de ses ravisseurs, avant de leur fausser compagnie et revenir dans sa cellule.
Les opérations vont se poursuivre. Il est important de laisser les forces de sécurité mener à bien leur mission. Le même dynamisme qui a conduit à retrouver les autres, ce même dynamisme continuera parce que la finalité dans tout ça, c’est que le procès des événements du 28-Septembre est une promesse du gouvernement de Monsieur le président de la République qui, dans sa politique pénale, à travers le ministre de la Justice, a placé la lutte contre l’impunité au centre de ses préoccupations dans le cadre de la refondation bien entendu de l’État. J’ai bon espoir et en tout cas la conviction qu’il sera retrouvé très bientôt. L’enquête en cours permettra d’identifier les auteurs, ce qui est établi de manière formelle, c’est que les hommes lourdement armés ont fait irruption à la Maison centrale de Conakry dans le seul but de faire sortir capitaine Moussa Dadis Camara, Tiegboro, Blaise Goumou et monsieur Claude Pivi.
Pour Maître Halimou Camara, avocate de la partie civile dans le procès du massacre du 28 septembre, la sortie de prison de Moussa Dadis Camara va conforter la peur des victimes ne voulant pas témoigner. « La grande majorité des victimes sont encore dans la peur, dans la crainte […]. Aujourd’hui, cette situation va permettre à ces gens-là de se dire qu’ils ont raison, à cause des failles de sécurité », pointe l’avocate.
Face aux inquiétudes des victimes, le ministre de la Justice, Alphonse Charles Wright, a tenu rassurer, joint par notre correspondant à Conakry, Matthias Raynal : « Les victimes doivent être rassurés de toutes les mesures qui ont été prises à partir de cet événement. Une réunion va avoir lieu lundi et mardi pour que nous puissions relever le niveau sécuritaire concernant les victimes. »
Dans un communiqué, le chef d’état-major des armées ne confirme pas ces deux versions et affirme plutôt avoir « mis fin à la cavale » des prisonniers et assure que « toutes les dispositions sécuritaires sont prises pour retrouver le dernier fugitif, Claude Pivi ».
Source: RFI