Le 9 mars 2025, une manifestation contre un don controversé du président William Ruto à une église a été violemment réprimée à Kasarani, une banlieue de Nairobi. Au moins dix personnes ont été blessées et 38 autres arrêtées, après que des centaines de jeunes aient tenté de protester contre un don de 20 millions de shillings kényans (plus de 140 000 euros) fait par le président à l’église du Ministère de Jésus le Vainqueur. La manifestation s’est intensifiée lorsqu’ils ont essayé d’entrer dans l’enceinte de l’église pour exprimer leur mécontentement.
Le don de 20 millions de shillings est destiné à l’extension de l’église, un geste qui a suscité une vive réaction de la population, surtout dans un contexte économique difficile. Patrick Kamau, un participant à la manifestation, a exprimé son indignation, soulignant que cette somme considérable était accordée alors que des secteurs vitaux comme l’éducation et la santé sont en crise au Kenya. Les manifestants considèrent cette donation comme un gaspillage de ressources publiques dans un pays où les services publics sont souvent sous-financés.
La confrontation a eu lieu dans un contexte de mécontentement général vis-à-vis de l’administration de William Ruto. Depuis son arrivée au pouvoir, le président a fait face à des critiques croissantes, notamment en raison de la mauvaise gestion des finances publiques et de la corruption présumée au sein de son gouvernement. En novembre 2024, les églises catholiques et anglicanes du Kenya avaient déjà dénoncé la corruption au sein de l’exécutif et annoncé qu’elles ne recevraient plus de dons de la part des politiciens. Ce contexte a exacerbé les tensions entre la population et les autorités, renforçant la défiance envers le gouvernement.
Le président William Ruto, de son côté, reste ferme dans sa position. Il défend son geste, affirmant qu’il s’agit d’un “devoir moral” envers l’Église. Il a d’ailleurs annoncé qu’un don similaire, de 20 millions de shillings, serait prochainement fait à une autre église située à Eldoret, dans la vallée du Rift. Selon lui, les manifestants sont animés par des “incroyants” et leur opposition aux dons ne fait que nuire à la paix sociale. Cette justification, perçue par beaucoup comme une tentative de détourner l’attention des problèmes économiques du pays, alimente encore plus la division entre le gouvernement et les citoyens.
Le déroulement de la manifestation a également mis en lumière l’ampleur de la répression policière au Kenya. Dès l’aube, des policiers ont encerclé l’église, empêchant toute forme de rassemblement, et des tirs de gaz lacrymogènes ont été utilisés pour disperser les manifestants, créant une atmosphère de tension extrême. Faith Odhiambo, présidente de la Société kényane du droit, a déploré ces violences policières et a signalé que l’accès aux manifestants arrêtés avait été bloqué, même par les avocats de l’organisation. Ce recours excessif à la force pose de nouvelles questions sur les libertés publiques au Kenya et sur l’équilibre entre la sécurité et les droits des citoyens.
La situation au Kenya, marquée par des manifestations de plus en plus fréquentes et violentes, pourrait s’intensifier dans les semaines à venir. Les critiques à l’égard de la gestion de Ruto se multiplient et, avec elles, l’opposition à ses politiques de dons, perçus comme des tentatives de manipulation politique. Si ces tensions ne sont pas apaisées, il est possible que de nouvelles manifestations aient lieu, mettant davantage à l’épreuve le gouvernement et la stabilité du pays. La réponse des autorités pourrait, elle aussi, déterminer l’évolution de la situation, avec des risques de violences accrues si les droits des manifestants continuent d’être bafoués.