Pour la première fois sur le sol allemand, une place au nom de Rudolf Duala Manga Bell a été inaugurée le 7 octobre, dans une tentative allemande de regarder son passé de colonisateur du Cameroun. Cela à Ulm, dans le sud de l’Allemagne, où le roi Rudolf Duala Manga Bell avait étudié le droit à la fin du XIXème siècle, avant de rentrer au Cameroun, où il fut ensuite exécuté par l’administration allemande pour avoir tenté de fédérer des communautés camerounaises contre les colons.
Au Cameroun, son nom est dans tous les manuels scolaires : Rudolf Duala Manga Bell était un roi, le roi du clan Bell au sein du peuple Duala. Celui-ci était établi depuis des générations sur la côte atlantique au bord de l’estuaire du Wouri, où se trouve l’actuelle ville de Douala, capitale économique du Cameroun.
C’est son père, le roi Auguste Douala Ndumbe Bell, qui l’envoie étudier en Allemagne pour qu’il maîtrise la langue de ceux dont la présence augmente sur la côte, avec l’arrivée de missionnaires puis l’installation de comptoirs pour le commerce.
Mais quelques années après le retour de Rudolf Duala Manga Bell au Cameroun, le gouvernement colonial allemand remet en cause le traité de protectorat signé avec les chefs Duala. Le texte stipule que la terre appartient aux natifs, mais le gouverneur allemand veut alors déplacer les populations.
Rudolf Duala Manga Bell s’y oppose, d’abord de façon légaliste, allant jusqu’au Parlement allemand plaider la cause de son peuple, avant de se résoudre à tenter de fédérer les autres communautés du Cameroun contre le colonisateur allemand. Mais il est arrêté en mai 1914, jugé et condamné en un seul jour. Il est pendu le 8 août 1914 avec son lieutenant pour « haute trahison ».
Le Cameroun avait été sous domination allemande d’abord, avant d’être placé sous les mandats britannique et français après la Première guerre mondiale.
Les descendants de la figure camerounaise appellent à la réhabilitation de son image par l’Allemagne
Les descendants du roi Rudolf Duala Manga Bell attendent notamment sa réhabilitation par les autorités allemandes, pour laver son nom. Un des combats que mène notamment son arrière-petite-fille, la Princesse Marylin Duala Manga Bell qui constate que les choses bougent en Allemagne depuis le milieu des années 2010.
Le tournant pour l’Allemagne a commencé en 2014 au moment du centenaire de l’exécution de Rudolf Duala Manga Bell : un député a interpellé le parlement demandant « est-ce que vous avez l’intention de faire qqch au sujet de l’exécution quasiment sommaire » de Rudolf Duala Manga Bell. Il y a de plus en plus d’afro-descendants en Allemagne qui ont commencé à faire des recherches et se poser la question sur qui il était. C’est quelque chose qui a pris son temps, qui s’est construit petit à petit. Et je pense que le gouvernement allemand a été un peu poussé à accepter de poser des actes, de soulever le couvercle de cette période coloniale allemande en Afrique. Cela alors que l’Allemagne a longtemps été beaucoup plus polarisée sur la Seconde guerre mondiale, sur les exactions des nazis, etc. Dans les autres initiatives en mémoire de Rudolf Duala Manga Bell, j’ai été membre du comité scientifique du Markk Museum à Hambourg pour monter une très belle exposition qui pour la première fois en Allemagne a officiellement parlé de ce personnage mémorable. « Hey Hambourg, Do you know Duala Manga Bell ? » qui est une très grande exposition inaugurée l’année dernière et c’est une exposition très riche, car elle fixe de façon visuelle la situation, l’histoire, les enjeux commerciaux, la question politique et le vécu de DM en Allemagne. Et cette exposition, dès qu’on s’est rencontrées avec cette directrice en 2019, on s’est mises d’accord que si je participais à cette exposition c’était pour présenter cette histoire au peuple allemand et par ailleurs dans mon projet auquelle elle a souscrit, il s’agit de montrer cette exposition ici au Cameroun, ce devrait être fait en fin d’année prochaine. Et dans le processus, dans les années qui viennent, on aura la restitution d’objets qui viennent du Cameroun et qui sont dans des musées en Allemagne, notamment celui de Stuttgart qui a beaucoup de pièces du Cameroun et de la zone littorale du Cameroun.
Source: RFI