Le chef de la junte malienne, le colonel Assimi Goïta, a accordé ce vendredi 6 janvier la grâce présidentielle aux 49 soldats ivoiriens arrêtés en juillet et condamnés ensuite par la justice malienne, selon un décret. Le dénouement d’une crise qui empoisonne les relations régionales. Robert Dussey, le ministre des Affaires étrangères du Togo, pays médiateur dans cette crise, a réagi sur RFI peu après l’annonce.
L’annonce est tombée dans la soirée ce vendredi, via le communiqué n°43 de la transition malienne, lu sur les ondes de la télévision nationale. Dans un décret, le colonel Assimi Goïta accorde sa grâce avec remise totale de peine aux 49 soldats ivoiriens qui avaient été condamnés la semaine dernière à de très lourdes peines.
Dans ce communiqué, le gouvernement dit son « attachement […] à la préservation des relations fraternelles et séculaires » avec les pays de la région en particulier avec la Côte d’Ivoire. Comme le dit ensuite le texte, la dynamique a été créée le 22 décembre dernier par la visite à Bamako d’une délégation importante de Côte d’Ivoire et la signature d’un mémorandum. Le gouvernement malien félicite à ce sujet le président togolais Faure Gnassingbé pour son implication dans la médiation. Ce dernier s’était rendu mercredi à Bamako pour un tête-à-tête avec Assimi Goïta.
Sur les 49 condamnés de la semaine dernière, trois ont été libérés en octobre. Il en reste donc 46 qui doivent apprendre la nouvelle ce soir avec beaucoup de soulagement dans leurs prisons de Bamako. On ne connait pas encore les modalités précises de leur libération qui devrait découler de cette grâce présidentielle.
Tractations diplomatiques
On connaît en revanche quelques détails sur ce qui a précédé cette annonce. Lorsque le président togolais Faure Gnassingbé arrive à Bamako mercredi pour un entretien en tête-à-tête avec le colonel Assimi Goïta, il obtient quasiment la grâce présidentielle pour les 49 militaires ivoiriens, rapporte notre correspondant régional, Serge Daniel. Mais un grain de sable se glisse : Bamako demande une dernière garantie. Faure Gnassingbé prend son avion, fait escale à Abidjan, rencontre le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara. Ce dernier donne les dernières garanties. L’affaire est quasiment dans la poche.
Deux autres personnalités interviennent dans le dénouement de l’affaire. Mahamat Saleh Annadif d’abord. L’actuel ministre des Affaires étrangères du Tchad, mais également ancien représentant de la mission de l’ONU au Mali, est intervenu pour arrondir les angles. Komé Cessé ensuite, un homme d’affaires malien installé en Côte d’Ivoire. Il était membre de la dernière délégation ivoirienne qui s’est rendue au Mali. Il a ses entrées à Bamako et à Abidjan. C’est lui qui ce vendredi matin a reçu la bonne nouvelle de Bamako et indiqué le schéma de sortie de crise : Conseil de ministres dans la capitale malienne et annonce de la grâce présidentielle.
Graciés donc, mais pas encore libérés, même si ce n’est sans doute qu’une question d’heures. Ce vendredi soir, Abidjan n’avait encore fait aucune déclaration officielle. Depuis le début de cette crise, les autorités ivoiriennes sont restées très mesurées sur cette question. Mais en coulisses, ce soir, c’est le soulagement. Les membres du gouvernement s’envoient des messages, ils s’appellent, a indiqué une source gouvernementale à notre correspondante Bineta Diagne. Soulagement également exprimé sur les réseaux sociaux par de nombreux internautes. Tous restent suspendus au retour effectif des 46 militaires. Aucune date n’a encore été précisée.
Le film de six mois de crise
Le 10 juillet 2022, les autorités maliennes procèdent à l’arrestation de 49 militaires ivoiriens sur le tarmac de l’aéroport de Bamako. La tension monte d’un cran lorsque la junte accuse explicitement ces soldats ivoiriens d’être des mercenaires armés, qui ont pour objectif de déstabiliser voire de renverser le gouvernement de transition.
Abidjan dément fermement et assure que ces soldats étaient en mission pour l’ONU, dans le cadre d’opérations de soutien logistique à la Minusma. Mais l’affaire vire à la crise diplomatique quand les soldats sont officiellement inculpés, puis écroués à la mi-août.
La libération des trois femmes de l’unité militaire début septembre laisse entrevoir un temps une sortie de crise, mais les négociations dont rien ne filtre, patinent. De hautes personnalités de l’État ivoirien comme le chef de cabinet de la présidence, Fidèle Sarassoro – sont dépêchés à Bamoko. L’affaire s’invite à la tribune new-yorkaise de l’Assemblée générale de l’ONU, en marge de laquelle le secrétaire générale de l’institution demande « la libération immédiate » des soldats. La Cédéao finit par lancer un ultimatum aux autorités maliennes, brandissant la menace de sanction.
Après six mois d’absence, les militaires pourraient retrouver la Côte d’Ivoire, aujourd’hui, en fin de journée.
Cette grâce présidentielle « est le début du processus de réconciliation »
Le principal médiateur dans cette crise est le Togo et son ministre des Affaires étrangères Robert Dussey. Il annonce la libération prochaine des 46 soldats ivoiriens.
À Lomé, on reste modeste note notre correspondant sur place Peter Sassou Dogbé, malgré l’implication de la diplomatie togolaise et du chef de l’Etat, Faure Gnassingbé qui a effectué un marathon, Lomé-Bamako, Bamako- Abidjan.
Au cours ce voyage express dans les deux capitales, il a insisté sur la nécessité d’avancer sur ce dossier devenu un caillou dans la chaussure de toute la sous-région. Lomé doit se réjouir des fruits de sa médiation.
On se souvient que le 3 septembre dernier, les trois femmes militaires libérées pour raison humanitaires étaient passées par Lomé avant de rentrer en Côte d’Ivoire.
rfi