Selon le dernier Indice d’opacité financière mondiale publié le 3 juin 2025 par l’ONG Tax Justice Network, les pays africains sont peu contributeurs à l’opacité du système financier mondial, mais figurent parmi les principales victimes de ses effets délétères. Chaque année, le continent perd jusqu’à 513 milliards de dollars à cause de flux financiers illicites qui échappent à toute régulation.
L’indice classe 141 pays selon deux critères : leur propension à faciliter des transactions financières opaques (comme la dissimulation de revenus ou l’évasion fiscale) et le volume de services financiers proposés à l’international. À ce jeu, les pays africains apparaissent globalement comme des acteurs mineurs. Le Botswana se distingue en étant le mieux noté du continent et onzième au niveau mondial. Le Ghana, bien que doté d’un cadre légal robuste, reste pénalisé par le volume de ses services financiers, ce qui le relègue au 8ᵉ rang africain. L’Algérie, en revanche, souffre d’un manque de mécanismes de transparence, la plaçant au 33ᵉ rang mondial.
Ce sont surtout les économies majeures qui alimentent les zones grises du système. Les États-Unis, le Royaume-Uni, le Luxembourg, Singapour et l’Allemagne arrivent en tête des pays facilitant les flux financiers opaques. La Suisse, la France ou encore Hong Kong figurent également parmi les mauvais élèves. Le paradoxe est frappant : ces États affichent souvent une volonté politique de régulation en interne, mais laissent leurs systèmes bancaires accueillir des fonds douteux en provenance d’autres régions du monde.
Lors des dernières réunions annuelles de la Banque africaine de développement, l’économiste Kevin Chika Urama a souligné l’impact catastrophique de cette fuite de capitaux. En amputant les budgets publics, ces pertes freinent l’investissement dans les secteurs clés : santé, éducation, infrastructures. Cette injustice structurelle alimente la dépendance financière et entrave les ambitions de souveraineté économique des États africains.
L’Union européenne, par exemple, a renforcé la transparence au sein de ses frontières, mais reste permissive envers les fonds illicites venus d’ailleurs. Moran Hariri, de Tax Justice Network, dénonce une hypocrisie flagrante : « Les règles sont appliquées à domicile, mais contournées à l’étranger. » Les États-Unis sont aussi pointés du doigt, notamment pour avoir, sous Donald Trump, affaibli les mécanismes de coopération fiscale internationale, paralysant le fisc (IRS) face aux multinationales.
L’indice d’opacité, actualisé tous les deux ans, repose sur 20 indicateurs clés répartis en quatre axes : transparence des entreprises, enregistrement des actifs, régulation fiscale, coopération internationale. Il ne se limite pas à nommer et blâmer : il propose un cadre de réforme pour contraindre les juridictions les plus opaques à plus de transparence. Pour les pays africains, c’est un levier stratégique pour dénoncer un système injuste et revendiquer des mesures concrètes de justice fiscale mondiale.
Classement des pays africains notés
Le premier est celui qui favorise le moins l’opacité financière.
Rang Africain | Pays | Indice mondial |
1 | Botswana | 131 |
2 | Rwanda | 118 |
3 | Gambie | 117 |
4 | Liberia | 116 |
5 | Tunisie | 110 |
6 | Cameroun | 94 |
7 | Seychelles | 86 |
8 | Ghana | 84 |
9 | Moroc | 63 |
10 | Maurice | 51 |
11 | Afrique du Sud | 48 |
12 | Angola | 46 |
13 | Kenya | 45 |
14 | Nigeria | 42 |
15 | Egypt | 41 |
16 | Algerie | 33 |