Le président sud-soudanais Salva Kiir a procédé à une refonte majeure de l’appareil d’État en nommant Benjamin Bol Mel au poste de vice-président chargé de l’Économie. Cette nomination, effective le 10 février, suscite de vives réactions tant à l’interne qu’à l’international, notamment en raison des sanctions américaines qui pèsent sur l’homme d’affaires pour corruption.
Benjamin Bol Mel, figure controversée, a déjà été sanctionné par Washington en 2017 puis de nouveau en 2021 pour des faits de corruption. Sa promotion intervient dans un contexte où beaucoup de Sud-Soudanais interprètent ce choix comme une manœuvre de préparation à la succession de Salva Kiir, actuellement âgé de 73 ans. En plaçant un allié controversé à un poste stratégique, le président semble vouloir recentrer le pouvoir autour de sa personne.
Cette décision s’inscrit dans une série de remaniements politiques qui surviennent dès le retour de Salva Kiir d’un séjour d’une semaine aux Émirats arabes unis. Qualifié par le chercheur Daniel Akech Thiong, de l’International Crisis Group, « l’un des changements politiques les plus spectaculaires à Juba », le président a procédé à une vaste purge en démettant plusieurs hauts responsables, dont le chef des services secrets, deux ministres, un gouverneur régional et deux vice-présidents.
La nomination de Benjamin Bol Mel alimente les spéculations quant à l’avenir politique du pays. Certains analystes avancent que ce remaniement vise à éliminer les rivaux potentiels et à préparer la transition de pouvoir, en vue d’une succession maîtrisée par Salva Kiir. Cette stratégie de recentrage du pouvoir pourrait toutefois intensifier les tensions au sein de l’appareil étatique.
Au-delà de sa fonction politique, Benjamin Bol Mel est également reconnu comme un homme d’affaires dont la trajectoire divise. Conseiller du président pour les projets spéciaux depuis 2022, il est accusé d’avoir perçu des contrats publics s’élevant à plus de 3,5 milliards de dollars pour des projets d’infrastructure, notamment la construction de routes qui n’ont jamais été finalisées. Cette situation renforce la méfiance à son égard et alimente le débat sur la transparence au sein de l’administration.
Paradoxalement, si la nomination de Benjamin Bol Mel semble renforcer l’architecture du pouvoir autour de Salva Kiir, elle pourrait également exacerber les divisions internes et provoquer une réaction unifiée de ses opposants. Sur le plan international, ses liens étroits avec les Émirats arabes unis – pays accusé de soutenir les paramilitaires FSR dans le conflit soudanais – pourraient compliquer les relations diplomatiques avec le Soudan, déjà tendues. Ces éléments laissent présager des répercussions tant sur le plan politique qu’économique pour le Soudan du Sud dans les mois à venir.