« Retirez vos mains de la RDC, elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser » : cette phrase est à la Une de la presse congolaise ce matin. Le souverain pontife a donc débuté sa visite à Kinshasa hier avec un discours « interpellateur », comme le qualifie le site congolais Politico CD. « Dans son allocution, le pape François a interpellé la communauté internationale sur sa responsabilité dans les différents drames commis sur le continent africain en général et en RDC, en particulier. Il a dénoncé l’indifférence et l’inaction de pays ‘économiquement avancés’ qui, au détriment des intérêts des populations locales, exploitent et dévalisent ses ressources naturelles.
Le Pape a également demandé à la Communauté internationale de laisser l’Afrique devenir protagoniste de son propre destin. »
Des oreilles ont sifflé…
« Un discours très apprécié par les Congolais », pointe Afrikarabia. « Le Pape ne s’est pas privé pour fustiger un ‘colonialisme économique’ dans un pays ‘largement pillé, et qui ne parvient pas à profiter suffisamment de ses immenses ressources’. François a donc vengé en quelques secondes des millions de Congolais en dénonçant ‘le monde entier qui ferme les yeux, les oreilles et la bouche’. Mais les oreilles de certains hommes d’affaires et politiciens congolais ont tout de même dû siffler, relève encore le site spécialisé sur la RDC, en écoutant la suite discours de François. Car si les Congolais ne profitent pas des richesses du pays, c’est que la corruption, quasi endémique au Congo, détourne ces richesses vers une élite largement prédatrice. Pour le souverain pontife, ‘ce sont souvent les ténèbres de l’injustice et de la corruption qui obscurcissent la lumière du bien’. À bon entendeur… »
Pour ce qui est de la guerre à l’Est du pays, « nous ne pouvons pas nous habituer au sang qui coule depuis des décennies » s’est indigné le pape François. Une phrase mise en exergue notamment par le site congolais Cas-Info. « Un message plus classique, commente encore Afrikarabia : paix, réconciliation et compassion avec les victimes. Mais là encore, sans oublier de condamner le reste du monde qui semble regarder les bras croisés un conflit oublié. François n’est pas rentré dans la dénonciation explicite des groupes armés et des pays qui les soutiennent (on pense au Rwanda), mais il s’est élevé contre ‘le tribalisme’ et ceux qui ‘prennent part pour leur ethnie, alimentant des spirales de haine et de violence’. Dénonçant, ainsi, un mal, qui ronge de nombreux pays de la région. Ils se reconnaîtront. »
« Vérités crues ! »
La presse ouest-africaine applaudit ce discours sans fard… À l’instar de WakatSéra au Burkina Faso : « connu pour son indépendance de ton et d’action, le successeur de Pierre n’a pas tourné autour du ciboire pour dire ses vérités crues aux prédateurs d’une Afrique qui, mieux que tout autre continent, porte haut le flambeau de la religion catholique. (…) Il ne s’est guère emmuré dans des formules enjolivées. Comme Jésus son Seigneur, qui a chassé les marchands installés dans le Temple de Jérusalem, le souverain pontife a sommé les envahisseurs de quitter l’Afrique. Le pape François a tiré à boulets rouges sur les envahisseurs de la RD Congo, bien entendu sans nommer, ni le M23, ni le Rwanda, encore moins les pays occidentaux de l’ombre qui continuent de ‘faire main basse sur le Congo’. »
Qu’est-ce que ça va changer ?
Ledjely, en Guinée, renchérit : « le Pape François s’est posé en défenseur de la RDC et de l’Afrique. À ses yeux, le Congo est l’incarnation du colonialisme économique dont pâtit encore le continent africain. Un discours qui, au-delà du pays de Patrice Lumumba, doit avoir un écho favorable à Bamako et à Ouagadougou. »
Toutefois, s’interroge le site guinéen, « on se demande bien ce que son discours va véritablement changer sur le terrain ? »
En effet, pointe L’Observateur Paalga à Ouagadougou, « il faudra bien plus qu’une homélie papale pour chasser les vieux démons de l’incurie et de la mal-gouvernance de cette pauvre riche RDC. »
Enfin, le Monde Afrique rappelle le poids politique de l’Église catholique dans le pays : « par le passé, à plusieurs reprises, la RDC compté sur l’Église catholique comme acteur majeur dans sa vie politique. François espère accentuer ce rôle pendant ses trois jours de visite. Ce mercredi, il doit célébrer une des plus importantes messes de son pontificat avec un million et demi de personnes attendues à l’aéroport de Kinshasa. »