À Conakry, les portraits géants du président de la junte, le général Mamadi Doumbouya, s’affichent dans toute la capitale, suscitant des réactions vives. Bien qu’aucune campagne électorale n’ait officiellement commencé, la ville est parée de ces affiches vantant les mérites du leader, créant une forte polarisation. Tandis que des partisans du général applaudissent cette initiative, des jeunes dans certains quartiers opposés au pouvoir n’hésitent pas à décoller, déchirer, voire brûler ces affiches. Cette situation soulève des interrogations sur les motivations et l’impact de cette campagne d’affichage.
Les affiches, placardées sur les boulevards principaux de Conakry, semblent annoncer une forme de campagne électorale qui n’a pas été formellement lancée. Pour Ibrahima Aminata Diallo, président de la coalition citoyenne CONAPED, cette démarche est prématurée. Il dénonce l’édification d’un “culte de la personnalité” en pleine période de transition politique, alors que la Guinée n’est pas encore entrée dans la phase électorale. En outre, le coût de cette opération semble disproportionné, ce qui alimente la critique concernant l’utilisation des fonds publics dans un contexte où des ressources limitées pourraient être allouées à des projets de développement plutôt qu’à une propagande personnelle.
Depuis le coup d’État militaire du 5 septembre 2021, le pays vit sous un régime de transition dirigé par le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), dirigé par Mamadi Doumbouya. Bien que le gouvernement militaire ait promis un retour à l’ordre constitutionnel d’ici 2025, les tensions persistent, notamment avec l’opposition qui accuse la junte de réprimer ses leaders et de pousser certains à l’exil. Cette dynamique crée un climat de méfiance autour des actions du pouvoir en place, notamment cette vaste campagne d’affichage qui semble chercher à renforcer la visibilité et l’image du président.
Les affiches géantes de Doumbouya interviennent dans un contexte où les appels à sa candidature à la présidentielle de 2025 se multiplient dans son camp. Si certains, comme Djibril, un partisan du général, soutiennent cette initiative, estimant qu’elle permet de marquer la présence du président, d’autres craignent qu’elle ne soit qu’une stratégie pour préparer un terrain électoral trop tôt, avant même que le cadre légal ne soit défini. La question du retour à la constitutionnalité et des conditions d’une élection libre et transparente en 2025 reste donc au centre des préoccupations.
Les réactions des citoyens guinéens à cette campagne d’affichage varient largement. Tandis que certains soutiennent l’idée d’une figure forte qui puisse incarner l’unité nationale, d’autres, notamment dans les zones à forte opposition, y voient une tentative de manipulation politique. Les jeunes qui participent aux destructions d’affiches expriment leur frustration face à la situation actuelle, dénonçant la répression et l’absence de progrès démocratiques sous le régime militaire. Leur opposition à la “personnalisation” du pouvoir pourrait bien devenir un élément central du débat public à l’approche des échéances électorales.
La question du coût de cette campagne d’affichage reste un point de friction majeur. Ibrahima Diallo et d’autres critiques jugent que cet investissement en termes de fonds publics aurait pu être mieux utilisé pour des actions concrètes qui bénéficieraient à la population pendant la période de transition. Dans un contexte économique fragile, avec des jeunes souvent sans emploi et des infrastructures en déclin, cette campagne d’affichage peut être perçue comme un gaspillage, voire comme un signal inquiétant d’un durcissement du régime. L’attention se porte désormais sur les priorités du gouvernement pour l’avenir et sur les décisions à prendre en vue du retour à un gouvernement civil.