Le 21 mars 2025, le procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) a annoncé l’inculpation imminente de Cellou Dalein Diallo pour corruption, détournement de fonds publics, blanchiment d’argent et enrichissement illicite. Ces accusations sont liées à la vente des appareils d’Air Guinée, la compagnie aérienne nationale, alors que Diallo était ministre des Travaux publics et des Transports sous le régime du général Lansana Conté. La convocation de l’opposant politique intervient après deux décennies de récurrentes attaques politiques à son égard, notamment sur ce dossier.
La vente des appareils d’Air Guinée remonte à la fin des années 1990 et au début des années 2000, une époque où Cellou Dalein Diallo était en poste ministériel. À ce moment-là, la compagnie, créée après l’indépendance, avait vu sa flotte se dégrader. C’est dans ce contexte que le gouvernement a procédé à la vente des avions. Pour l’opposition, cette vente a été marquée par des irrégularités, et Cellou Dalein Diallo est régulièrement mis en cause pour son implication dans ce processus. Aujourd’hui, l’affaire ressort avec la réouverture de plusieurs vieux dossiers par la junte au pouvoir depuis 2021.
Le dossier d’Air Guinée n’est pas un simple contentieux économique, mais une affaire qui s’inscrit dans un climat politique particulièrement tendu. Depuis le coup d’État du 5 septembre 2021, la junte dirigée par le colonel Mamadi Doumbouya a mis en place la CRIEF pour enquêter sur les détournements de fonds publics et la corruption. Toutefois, ce geste est perçu par une partie de la classe politique, et en particulier par l’UFDG (Union des Forces Démocratiques de Guinée), comme une manœuvre visant à discréditer et affaiblir les adversaires politiques du gouvernement, en l’occurrence Cellou Dalein Diallo, qui est l’un des leaders de l’opposition.
L’implication de Cellou Dalein Diallo dans cette affaire pourrait avoir des répercussions importantes sur la scène politique guinéenne. En effet, alors que les élections présidentielles se profilent, ce dossier pourrait être utilisé pour affaiblir l’opposant et renforcer la position du général Doumbouya. L’UFDG dénonce une “instrumentalisation” de la justice, accusant la junte de tenter de neutraliser ses rivaux politiques sous prétexte de justice. Le gouvernement de transition, tout en affichant son soutien à Doumbouya, pourrait voir cette affaire comme un moyen de consolider son pouvoir face aux pressions internes et internationales.
Du côté de l’UFDG, la convocation de Cellou Dalein Diallo est qualifiée de « dossier purement politique ». L’avocat de l’UFDG, Me Amadou Diallo, a précisé qu’à ce jour, son client n’a reçu aucune notification formelle concernant l’inculpation. Le parti souligne que son président n’a pas été entendu par la justice guinéenne ni par une juridiction supranationale. Les autorités guinéennes, pour leur part, n’ont pas encore réagi officiellement à ces accusations. Cependant, ce silence peut être interprété comme une tentative de maintenir la pression sur l’opposant et d’éviter une confrontation directe avec les instances internationales.
La situation de Cellou Dalein Diallo illustre un climat de méfiance croissante entre la junte et l’opposition. Après avoir vu sa maison rasée sur ordre des nouvelles autorités, Diallo s’est exilé, loin du pays qu’il a longtemps incarné comme un leader politique. L’affaire pourrait devenir un symbole de la lutte entre les forces en place et celles qui dénoncent la dérive autoritaire du pouvoir actuel. Le rôle de la justice dans ce contexte sera crucial, et les prochains développements détermineront si la Guinée parviendra à sortir de cette crise politique sans heurts.
Ainsi, l’affaire Air Guinée pourrait non seulement être l’occasion de régler un vieux contentieux, mais aussi d’ouvrir une nouvelle phase dans les relations entre le pouvoir en place et l’opposition. La gestion de cette question par la junte pourrait déterminer son avenir politique à court terme.