Selon le journal Politico, qui s’appuie sur une fuite inédite de documents, la Cour suprême des États-Unis s’apprêterait à annuler l’arrêt historique de 1973 dans lequel elle a reconnu le droit à l’avortement.
Jamais une telle fuite n’avait été enregistrée par la Cour suprême américaine, où le secret des délibérations règne en maître. Mais dans un article, le quotidien Politico affirme s’être procuré l’avant-projet d’une décision majoritaire rédigé par le juge conservateur Samuel Alito et daté du 10 février dans laquelle les magistrats laissaient clairement entendre qu’ils étaient prêts à grignoter, voire à tout bonnement annuler, Roe v. Wade.
L’arrêt Roe v. Wade qui, il y a près d’un demi-siècle, a estimé que la Constitution américaine protégeait le droit des femmes à avorter, était « totalement infondé dès le début », est-il écrit dans cette proposition de texte soutenue par quatre autre juge en plus de Samuel Alito. « Nous estimons que Roe v. Wade doit être annulé », ajoute Samuel Alito, pour qui le droit à l’avortement « n’est protégé par aucune disposition de la Constitution ».
Retour à la situation d’avant 1973
C’est le dernier épisode en date d’un débat qui divise profondément l’Amérique depuis pratiquement cinquante ans entre pro et anti-avortement. Si cela devait être confirmé en juin ou en juillet, ce serait une révolution. Ce projet doit encore faire l’objet de négociations jusqu’à sa publication avant le 30 juin. Mais si cela devait être confirmé, ce serait une révolution, note notre correspondant à Washington, Guillaume Naudin. Les États-Unis reviendraient à la situation en vigueur avant 1973 quand chaque État était libre d’interdire ou d’autoriser les avortements.
Compte-tenu des importantes fractures géographiques et politiques sur le sujet, une moitié des États, surtout dans le sud et le centre conservateurs, devraient rapidement bannir la procédure sur leur sol. C’est déjà le cas au Texas où au Mississippi. D’autres États républicains ont déjà préparé des législations similaires et certains ont même carrément prévu de l’interdire. Comme c’est déjà souvent le cas, les femmes qui souhaitent avorter n’auraient alors d’autre choix que de se rendre dans des États plus libéraux, comme la Californie ou l’État de New York.
« Soyons clair : c’est un avant-projet. Il est scandaleux, sans précédent mais pas final : l’avortement reste votre droit et est encore légal », a twitté l’organisation Planned Parenthood, qui gère de nombreuses cliniques pratiquant des avortements.
Let's be clear: This is a draft opinion. It’s outrageous, it’s unprecedented, but it is not final.
Abortion is your right — and it is STILL LEGAL. https://t.co/s9R7w99n71— Planned Parenthood (@PPFA) May 3, 2022
Signes avant-coureurs
La Cour suprême a été profondément remaniée par Donald Trump qui, en cinq ans, y a fait entrer trois magistrats, solidifiant sa majorité conservatrice (six juges sur neuf). Depuis septembre, cette nouvelle Cour a envoyé plusieurs signaux favorables aux opposants à l’avortement. Elle a d’abord refusé d’empêcher l’entrée en vigueur d’une loi du Texas qui limite le droit à avorter aux six premières semaines de grossesse contre deux trimestres dans le cadre légal actuel.
Lors de l’examen en décembre d’une loi du Mississippi, qui questionnait aussi le délai légal pour avorter. Le document présenté par Politico porte sur ce dossier.
Des défenseurs du droit à l’avortement se sont réunis spontanément dans la soirée, lundi, devant le temple de marbre blanc qui abrite la Cour suprême à Washington. Selon les enquêtes d’opinion, une majorité de personnes interrogées sont favorables à ce droit.
(avec AFP)