Le président tunisien, Kaïs Saïed, a décidé de limoger son Premier ministre, Kamel Madouri, dans la nuit de jeudi à vendredi, après moins de huit mois de fonction. Sarra Zaafrani Zenzri, ministre de l’Équipement, a été désignée pour lui succéder, en pleine crise économique et politique.
Le limogeage de Kamel Madouri, un technocrate qui avait été nommé Premier ministre en août 2024 à la suite d’un vaste remaniement, a été annoncé par la présidence dans un communiqué succinct. Le départ de Madouri intervient sans explication officielle, une démarche qui semble devenir une habitude pour le président Saïed, qui n’a pas mentionné de motifs spécifiques pour cette décision. Sarra Zaafrani Zenzri, ingénieure en génie civil de formation, prend la tête du gouvernement dans un contexte particulièrement tendu, marqué par de graves difficultés économiques, une situation de pénurie et des tensions politiques internes.
Depuis l’été 2021, la Tunisie vit sous un régime marqué par l’extension des pouvoirs du président Kaïs Saïed, après un coup de force qui a porté un coup au système parlementaire. Le limogeage de Madouri fait suite à une série de renvois de chefs de gouvernement, avec des raisons rarement exposées au grand jour. Ce climat de gouvernance autoritaire a exacerbé les tensions dans le pays, notamment au sujet des réformes économiques nécessaires pour sortir de la crise et des accusations de répression politique, comme l’emprisonnement d’opposants, ce qui a d’ailleurs attiré les critiques de l’ONU.
Avec la nomination de Sarra Zaafrani Zenzri, le président Saïed semble chercher à redonner un souffle au gouvernement, en insistant sur une meilleure coordination au sein de l’exécutif. La nouvelle Première ministre devra naviguer dans un environnement où les attentes de la population sont élevées, notamment en matière de relance économique et de réformes structurelles. Cependant, sa nomination intervient dans un contexte où les marges de manœuvre économiques se réduisent de jour en jour, et où les tensions politiques pourraient s’intensifier avec ses opposants.
Le départ de Kamel Madouri et l’arrivée de Sarra Zaafrani Zenzri reflètent un changement de direction dans la gestion des affaires publiques, mais ne résolvent pas les défis profonds auxquels la Tunisie est confrontée. Selon des experts politiques, le manque de transparence autour de ces remaniements récurrents pourrait affaiblir la confiance des citoyens dans les institutions publiques. En outre, la nomination de Zenzri, bien qu’elle soit perçue comme une tentative d’installer une figure technique à la tête du gouvernement, pourrait ne pas suffire à apaiser les critiques internationales et locales sur la dérive autoritaire du régime de Saïed.
Si la Tunisie parvient à surmonter cette phase d’instabilité politique, la gestion des réformes économiques s’avère être la véritable épreuve pour Sarra Zaafrani Zenzri. Avec la pression accrue des bailleurs de fonds internationaux et des réformes à mettre en œuvre pour éviter un effondrement économique, la nouvelle Première ministre devra non seulement naviguer entre les attentes populaires et les exigences de l’économie de marché, mais aussi faire face à un climat politique de plus en plus polarisé.