Le 21 février, Jean-Marc Kabund, figure de l’opposition congolaise, a été libéré après près de deux ans d’incarcération. Ce geste a été suivi, dès le lendemain, par une annonce de Félix Tshisekedi, président de la République Démocratique du Congo (RDC), affirmant son intention de former un gouvernement d’union nationale. Cette initiative s’inscrit dans un contexte de crise sécuritaire persistante dans l’est du pays, où les violences du groupe rebelle M23 continuent de ravager la région. La question qui se pose alors est de savoir si ces mesures visent réellement à apaiser les tensions politiques ou s’il s’agit d’une manœuvre stratégique du président pour éviter un dialogue national complexe.
La libération surprise de Jean-Marc Kabund a été suivie le 1er mars par celle de deux autres opposants, renforçant l’idée d’une volonté de Félix Tshisekedi de réchauffer le climat politique. Toutefois, cette démarche a suscité de nombreuses interrogations, notamment sur ses motivations véritables. Alors que certains observateurs y voient un signe d’ouverture, plusieurs partis politiques restent fermement opposés à l’idée d’un gouvernement d’union nationale. Les camps de Joseph Kabila, Moïse Katumbi, et Matata Ponyo notamment, ont rejeté cette proposition, la qualifiant de contre-productive. Seul Martin Fayulu, qui avait préalablement plaidé pour un dialogue national, semble accepter la main tendue du président, sous condition de la supervision des Églises.
Ce climat de défiance trouve ses racines dans l’histoire politique récente de la RDC. L’opposition, qui dénonce régulièrement la gestion autoritaire du pouvoir, évoque notamment les dérives du mandat de Joseph Kabila, qui a prolongé son dernier mandat de manière controversée et a été accusé de corruption et de répression violente. À cette dynamique politique s’ajoute la crise sécuritaire dans l’est du pays, exacerbée par les actions du M23, un groupe rebelle soutenu par le Rwanda selon Kinshasa. Félix Tshisekedi, tout en se distançant de Kabila, tente de répondre à cette situation complexe par une politique d’ouverture, mais sans s’engager dans un véritable dialogue qui pourrait inclure des acteurs qu’il considère comme étant proches de l’ingérence étrangère.
Les perspectives d’un gouvernement d’union nationale semblent, pour l’heure, limitées. Si certains acteurs politiques, comme Martin Fayulu, montrent une disposition au dialogue, l’opposition reste globalement réfractaire. En particulier, les accusations mutuelles entre Tshisekedi et Kabila risquent d’entraver toute tentative de rapprochement. De plus, l’implication du Rwanda dans les affaires congolaises, notamment via le soutien présumé au M23, continue de polariser les débats, rendant toute solution durable plus difficile à atteindre. Les tensions autour de la gouvernance, de la sécurité et des relations internationales laissent présager une période politique incertaine.
L’ex-président Joseph Kabila semble vouloir reprendre la scène politique alors que la présidence de Tshisekedi est menacée par les violences dans l’est. Cependant, son retour sur le devant de la scène est loin de faire l’unanimité. Ses récentes sorties médiatiques, où il critique sévèrement l’actuel président tout en occultant certains aspects de son propre mandat, soulèvent des interrogations. Kabila semble ignorer les épisodes de violence qui ont marqué son règne, notamment la répression des manifestations de 2015 et la gestion des élections contestées de 2011 et 2018. Ses accusations de corruption à l’encontre de Tshisekedi sont perçues par certains comme une tentative de manipulation de l’opinion publique, dans un contexte où sa propre gestion est loin d’être irréprochable.
Du côté rwandais, le président Paul Kagame fait face à un isolement croissant sur la scène internationale. L’annonce de la suspension de l’aide allemande au développement, suivie par des mesures similaires du Royaume-Uni et du Canada, symbolise un tournant dans les relations internationales du Rwanda. Cette décision s’inscrit dans le cadre des accusations croissantes de soutien rwandais aux rebelles du M23, ce qui a conduit l’Union européenne à envisager des sanctions supplémentaires. Malgré ces pressions, Kagame reste insensible aux critiques et semble plus que jamais déterminé à poursuivre sa politique dans la région, sans concéder de terrain à la demande de paix exprimée par la RDC et ses partenaires internationaux.