Le soutien persistant du Rwanda au groupe armé M23 dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) a provoqué une levée de boucliers en Europe. Le 30 janvier, devant la chambre des représentants belge, le Premier ministre Alexander De Croo a condamné fermement ce soutien, appelant Kigali à respecter l’intégrité territoriale congolaise. Dans un contexte de tensions croissantes, plusieurs capitales européennes, dont Paris et Londres, ont rejoint Bruxelles pour exiger un retrait immédiat des forces rwandaises du territoire congolais.
Les critiques formulées par les dirigeants européens vont bien au-delà de simples déclarations diplomatiques. Bernard Quintin, ministre belge des Affaires étrangères, a réclamé une mobilisation accrue des États membres de l’Union européenne pour faire pression sur Kigali. Parmi les mesures envisagées figurent la suspension du dialogue sécuritaire entre l’UE et le Rwanda ainsi que la révision d’un accord financier de 20 millions d’euros destiné à soutenir la mission militaire rwandaise au Mozambique. La France, quant à elle, a intensifié ses appels, avec Emmanuel Macron exhortant directement le président Paul Kagame à retirer ses troupes après une offensive éclair du M23 sur Goma. Ces actions témoignent d’une volonté européenne de durcir le ton face à une situation jugée intolérable.
Ce regain de tension s’inscrit dans un conflit qui perdure depuis plus d’une décennie dans l’est de la RDC. Le M23, mouvement rebelle majoritairement tutsi, est accusé de bénéficier d’un soutien actif de Kigali, une accusation que le Rwanda nie vigoureusement. Cette région reste marquée par des violences chroniques impliquant divers groupes armés exploitant les richesses minières locales. Malgré les tentatives de médiation régionale, notamment via les processus de Luanda et de Nairobi pilotés par l’Angola et le Kenya, les progrès restent limités. Le manque de soutien international perçu par Kinshasa a poussé le président Félix Tshisekedi à dénoncer publiquement « le silence » de la communauté internationale, renforçant ainsi la pression sur les puissances occidentales pour agir.
À court terme, les pressions diplomatiques et économiques exercées par l’Europe pourraient influencer la position de Kigali. Si le Rwanda refuse de se conformer aux demandes internationales, il risque non seulement des sanctions financières mais aussi une remise en cause de ses accords stratégiques avec l’UE et le Royaume-Uni. À moyen terme, cette crise pourrait également fragiliser davantage la stabilité régionale, exacerbant les tensions entre pays voisins comme l’Ouganda ou le Burundi. Toutefois, certains analystes soulignent que toute solution durable nécessitera une approche inclusive incluant toutes les parties prenantes, y compris les communautés locales affectées par le conflit.
La situation humanitaire dans l’est de la RDC continue de se détériorer, aggravée par les combats récents. Selon des organisations humanitaires, des milliers de personnes ont été déplacées, ajoutant une nouvelle urgence à une crise déjà critique. Le Royaume-Uni, tout en menaçant de revoir son aide au Rwanda, insiste sur la nécessité d’assurer un accès humanitaire sans entrave. Pourtant, certains observateurs mettent en garde contre une approche uniquement punitive, rappelant que des sanctions mal calibrées pourraient nuire aux populations rwandaises vulnérables sans résoudre les causes profondes du conflit.
Pour Thierry Vircoulon, expert du Centre de recherches internationales (CERI), « la question centrale reste celle de la gouvernance régionale et des intérêts économiques sous-jacents ». Il souligne que tant que les mécanismes permettant l’exploitation illégale des ressources naturelles ne seront pas adressés, les groupes armés continueront de proliférer. Un diplomate européen anonyme interrogé par Jeune Afrique confirme cette analyse : « Nous devons cibler ceux qui tirent profit de ce chaos, qu’il s’agisse d’acteurs locaux ou internationaux. » En attendant, le président congolais Félix Tshisekedi semble déterminé à maintenir la pression, espérant transformer cette vague de condamnations en actions concrètes.