C’est en 2010 que Sat-B s’est retrouvé sous les projecteurs de la scène musicale burundaise d’où il domine actuellement le rap et les productions urbaines. A la faveur de la sortie de son nouvel album, Hello Afrika, rencontre avec le propriétaire du label Empire Avenue qui chantait à ses débuts “ivuka ryanje ntiryari isanganya” (“ma naissance n’était pas un accident”).
RFI Musique : Avant toute chose, quelle est l’histoire derrière votre nom de scène “Sat-B” ? Que signifie-t-il ?
Sat-B : Mon nom signifie “Satellite du Burundi” tout simplement. Avant, quand j’étais enfant, je regardais beaucoup de documentaires sur l’espace et le rôle que jouaient les satellites pour le monde. J’ai donc choisi ce surnom quand je me suis lancé dans la musique afin d’être le satellite de mon pays.
Votre cinquième album studio Hello Afrika est arrivé le 25 novembre dernier avec une énergie différente et la volonté de vous exporter au-delà de la zone est africaine. On peut dire qu’il s’agit de l’album de la maturité ?
Bien sûr que oui ! Pour cet album, j’ai voulu créer une rupture entre deux versions de moi. La première, c’est ce qu’on qualifie ici de Sat-B burundais avec des sonorités purement burundaises. La seconde, c’est Sat-B tourné vers l’international pour diffuser ma musique au-delà de nos frontières et surtout loin de l’Afrique de l’Est.
Dans cet album, vous prenez vos distances avec le rap pour vous rapprocher beaucoup plus de l’afropop. Est-ce une façon de vous actualiser ou une stratégie volontaire afin de séduire un public plus large ?
Quand j’ai commencé ma carrière, j’étais résolument un rappeur. Je ne connaissais que le hip hop inspiré des États-Unis. Plus j’avançais et plus j’avais besoin de me mettre à jour, d’essayer le r’n’b et d’autres styles urbains à la mode. Maintenant l’afrobeats est arrivé et je ne pouvais pas rater le coche. C’est pour cette raison que j’ai construit cet album avec des sons différents. Un peu comme le titre Ishari que j’ai fait dans le style izuruzuru qui est purement de chez nous, au Burundi. Je l’ai juste un peu modernisé.
Il est beaucoup question d’amour dans cet opus et les mélodies sont axées sur la positivité et la légèreté. On est bien loin des standards du rap actuel. C’est dorénavant ainsi que Sat-B conçoit sa musique ?
L’amour est partout ! C’est ça qui construit le monde. Et je vais être honnête avec vous, quand tu écris une chanson d’amour, c’est un truc qui cartonne partout ! Je me suis basé sur ça pour cet album afin de m’assurer aussi une grande visibilité. C’est un album construit autour de l’amour sous toutes ces formes. L’amour que j’ai pour ma maman ou celui que j’ai envers ma future femme.
Malgré plusieurs sollicitations, en dehors de votre artiste Belle 9ice, il n’y a pas d’autres collaborations dans l’album Hello Afrika ? Là encore un choix stratégique ?
Je voulais que cet album soit d’abord celui de Sat-B. Que le monde sache que j’ai changé et que je peux faire différents styles autres que le rap maintenant. C’est pour cela qu’il n’y a que Belle 9ice en duo avec moi. C’est aussi une façon de montrer que dans mon label, il y a des purs talents burundais.
Après les Rwandais Bruce Melodie & Alyn Sano, le Tanzanien Harmonize et le Zambien Roberto, l’objectif est d’aller conquérir le reste de l’Afrique ?
Vous savez, nous sommes est-africains. Nous ne partageons pas seulement des frontières, nous partageons aussi des langues communes. C’est la raison pour laquelle j’ai d’abord collaboré avec eux. Je pense qu’on doit défendre notre zone en priorité parce que l’Afrique de l’Ouest pèse dans l’industrie de la musique en Afrique. Nous devons aussi exister de notre côté.
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En août dernier, vous avez mis en place l’association Coopérative des Jeunes Unis Pour le Développement et Art du Burundi dont l’objectif est de soutenir les jeunes Burundais par différentes activités génératrices de revenus. Pouvez-tu nous en dire plus sur ce projet ?
L’association COJIDA est née d’une idée de mes fans. Je n’adhère pas du tout à l’idée générale qui dit que le Burundi est un pays pauvre. Ce n’est pas vrai. C’est nous les jeunes qui devons travailler et créer des entreprises afin de nous soutenir et élever le pays. On doit créer des liens et collaborer entre nous. Ce n’est pas de la politique que de dire cela, c’est juste un fait réel. Le projet va véritablement démarrer en 2023, car pour l’instant, on a encore quelques retards de licence administrative. J’y crois fermement à ce projet.
En 2022, vous avez remporté le prix de l’Artiste de l’année au East Africa Entertainment Awards au Kenya. Quels sont les projets pour l’année 2023 ?
Cette année, j’ai été nominé dans plusieurs cérémonies. 2022 a vraiment été une belle année et le public a vraiment plébiscité mes musiques. Dieu merci ! Ça me donne de la force et ça me conforte dans mon choix de carrière. Du coup, en 2023, je prépare la tournée Hello Afrika et si Dieu le veut, je passerai par la France, car j’ai prévu quelques dates en Europe.
Le français est une des langues officielles du Burundi, mais vous avez peu de chansons en français ou dédiées au monde francophone. Pourquoi ?
Vous avez raison, c’est une lacune que nous avons. Et pourtant j’ai au moins 6 chansons en français et je pense que je vais prendre mon courage à deux mains et sortir ce fameux projet en français. J’ai pris attache avec plusieurs artistes francophones d’ailleurs, mais toujours dans notre zone géographique (rires). On s’ouvre petit à petit. J’ai contacté Goulam (artiste d’origine comorienne) par exemple et on va sûrement vous surprendre. Restez câblés.
On peut affirmer haut et fort que le Burundi est désormais sur la carte du paysage musical panafricain ?
Oui ça commence à se voir. Il faut dire que c’est encore tout nouveau. Ce que notre génération d’artiste est en train de faire, c’est créer le chemin des générations futures afin qu’ils ne rencontrent pas les mêmes difficultés que nous. Et surtout qu’ils représentent encore mieux le pays que nous. Le pays en sortira grandi. Merci beaucoup.
Sat-B Hello Afrika (Empire Avenue) 2022
RFI