Incarcéré depuis plus de quarante jours, l’opposant tchadien Succès Masra a entamé une grève de la faim, selon une annonce publiée le 24 juin par son parti, Les Transformateurs. L’ancien Premier ministre, visé par de lourdes accusations dans une affaire de violences communautaires, entend ainsi protester contre son maintien en détention préventive.
La décision de Masra a été communiquée par une lettre manuscrite envoyée depuis sa cellule à la Coordination de la police judiciaire de N’Djamena. Son parti a prévu d’en lire le contenu publiquement à 16h, heure locale, au « balcon de l’espoir », siège national des Transformateurs. Le mouvement appelle ses sympathisants à se rassembler en nombre pour écouter ce message présenté comme un appel à la résistance pacifique.
Succès Masra a été arrêté le 16 mai dernier, soit deux jours après le massacre de dizaines de Peuls dans le village de Mandakaou, dans le sud du pays. Il est accusé d’incitation à la haine, assassinat et complicité de meurtre. Des accusations que son entourage qualifie de fallacieuses et politiquement motivées. Depuis sa nomination puis sa rupture avec la transition dirigée par Mahamat Idriss Déby, Masra incarne une opposition de plus en plus ciblée par le pouvoir.
Malgré les demandes répétées de ses avocats, qui dénoncent un « procès politique », la justice tchadienne a refusé sa remise en liberté lors d’une audience tenue le 19 juin. Son dossier reste à l’instruction, sans date de procès annoncée. Ce recours à la détention prolongée, couplé à l’absence de transparence sur l’enquête, alimente les critiques contre un système judiciaire instrumentalisé par l’exécutif.
Cette grève de la faim pourrait raviver les tensions déjà palpables au sein de la société civile et des milieux d’opposition. Le parti Les Transformateurs, en perte de son leader, tente de maintenir la pression et d’éviter la démobilisation de ses troupes. L’appel à la mobilisation, prévu dans un cadre pacifique, reste un test pour évaluer l’ancrage populaire du mouvement depuis l’incarcération de Masra.
Pour un ancien chef de gouvernement et figure montante de la contestation tchadienne, cette grève de la faim s’inscrit dans une logique de confrontation morale avec le pouvoir. Mais elle comporte aussi des risques : l’isolement carcéral, les conditions de détention et l’état de santé du détenu pourraient rapidement dégrader la situation. Une issue dramatique ferait peser un nouveau poids sur un régime déjà décrié pour sa répression.