Le Togo pourrait bientôt rejoindre l’Alliance des États du Sahel (AES), une organisation récemment créée par les régimes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Après des déclarations réaffirmant cette proximité, le ministre des Affaires étrangères du Togo, Robert Dussey, a laissé entendre que Lomé envisage une adhésion à l’AES. Cette perspective marque une nouvelle étape dans les relations du Togo avec ces pays voisins, après plusieurs mois de soutien tacite aux gouvernements militaires de la région.
Robert Dussey a rappelé lors de ses récentes interventions que le Togo partageait des liens forts avec les trois pays du Sahel qui ont quitté la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour fonder l’AES. Ces derniers mois, Lomé a soutenu de manière discrète mais constante les positions de ces nations face à l’organisation régionale, perçue par certains comme une instance trop favorable aux intérêts occidentaux. En mentionnant désormais une possible adhésion, le ministre des Affaires étrangères du Togo a posé un jalon significatif dans cette évolution diplomatique.
Le contexte de cette éventuelle adhésion est marqué par des tensions croissantes en Afrique de l’Ouest. Depuis les coups d’État militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger, ces pays se sont progressivement détournés de la CEDEAO et ont formé l’AES pour promouvoir une coopération régionale plus indépendante. Cette démarche s’inscrit dans un cadre plus large de défiance vis-à-vis de l’influence occidentale, notamment de la France, ancienne puissance coloniale. Le Togo, jusqu’alors membre actif de la CEDEAO, pourrait voir dans cette intégration une opportunité de réaffirmer son autonomie politique et de renforcer ses relations économiques avec ses voisins sahéliens.
L’une des motivations avancées par les autorités togolaises pour cette adhésion serait d’ordre économique. Le Togo, en tant que port d’accès à la mer pour ces pays sahéliens enclavés, pourrait jouer un rôle central dans le développement régional. L’intégration à l’AES permettrait au Togo de devenir un partenaire clé pour l’acheminement de marchandises en provenance de ces États, dont les économies dépendent fortement des échanges commerciaux extérieurs. Cela pourrait offrir un double avantage : accroître les échanges avec des pays en pleine transformation économique et renforcer la position stratégique de Lomé sur le plan régional.
Si l’intégration du Togo à l’AES se concrétise, ce sera un coup politique retentissant, symbolisant une rupture avec certaines politiques anciennes. Le Togo, jusque-là plus modéré dans ses choix diplomatiques, marquerait un virage stratégique en soutenant ouvertement une alliance d’États militaires. Cette décision pourrait aussi être influencée par les récentes dynamiques géopolitiques en Afrique de l’Ouest, où le Ghana, ancien allié du Togo, prend des initiatives visant à contrer l’influence croissante de la France et de ses alliés. À travers ce choix, le Togo pourrait ainsi diversifier ses partenariats tout en répondant aux aspirations de ses voisins sahéliens.
Enfin, la décision d’une telle adhésion ne saurait être prise sans une réflexion politique approfondie à Lomé. L’intégration à l’AES pourrait soulever des questions au sein même du gouvernement togolais, notamment concernant les relations avec la CEDEAO et les pays anglophones de la région. En outre, cette démarche pourrait redéfinir les alliances régionales du Togo et renforcer son rôle dans la lutte pour une plus grande indépendance politique en Afrique de l’Ouest. Le soutien du président togolais à cette initiative, bien qu’indirectement confirmé par le ministre, semble être un élément déterminant de cette évolution.