La Camerounaise Cécile Bibiane Njebet a été désignée lauréate du prestigieux prix Champions de la Terre mardi 22 novembre. Cette récompense du programme des Nations Unies pour l’environnement est décernée une fois par an. Parmi les cinq lauréats cette année, cette agronome camerounaise est originaire de la région du Littoral. Elle porte depuis des années un plaidoyer pour les droits de femmes en matière de droit foncier et forestier.
« Ah, j’étais surprise, cela implique tout d’abord pour moi une lourde responsabilité et beaucoup de motivation à aller de l’avant », nous dit Cécile Ndjebet après l’annonce du prix.
Depuis son enfance dans un village forestier proche de la ville d’Edea, Cécile Ndjebet a vu les femmes autour d’elles travailler une terre sur laquelle elles n’avaient pas de droits :
J’ai commencé à vivre ça auprès de ma mère, de ma sœur aînée et des autres femmes du village, j’ai vu leur souffrance, j’ai dit « non », il faut peut-être faire quelque chose en faveur de ces femmes, et ça m’occupe depuis une trentaine d’années.
Les femmes travaillent la terre… et sont dépourvues de la propriété
D’abord avec Cameroun Écologie, organisation qu’elle cofonde, puis avec le Réseau des femmes africaines pour la gestion communautaire des forêts (Refacof), elle porte au cœur de son engagement un constat dans sa région : ce sont les femmes qui en majorité portent le travail agricole, valorisent et replantent forêts et mangroves. Mais le pouvoir de décision et la propriété restent principalement entre les mains des hommes :
Et lorsqu’on n’a pas le droit de contrôle, on est vulnérable, à tout moment, le propriétaire peut récupérer sa terre, les femmes devenues veuves ont tout perdu, parce que les beaux frères ont tout pris. Vous vous rendez compte, vous avez travaillé 20 ans, 30 ans avec une personne, vous avez exploité un espace. Et dès qu’il décède, on vous l’arrache parce que vous n’avez pas fait de garçon qui pourrait hériter de son père.
Elle cite également le cas d’autres qui se voient déposséder d’un terrain qu’elles avaient négocié à bas prix alors qu’il avait en réalité pris de la valeur grâce à leur travail : « Une fois que les espaces sont valorisés, on le leur arrache, parce qu’il n’y a pas une documentation qui prouve que ces espaces leur appartiennent. »
Réforme du droit et financements pour lutter contre le réchauffement climatique
Pour harmoniser droit coutumier et règlementation, Cécile Njebet a fait des propositions pour une réforme des lois forestières et foncières au Cameroun, des textes en attente de publication.
Si la réglementation ne résout pas le problème, les pratiques au niveau local vont continuer à discriminer la femme. Il faut essayer d’harmoniser la loi coutumière avec la loi statutaire pour sécuriser l’accès à la femme au niveau des terres et des forêts.
Avec la problématique du réchauffement climatique, Cécile Njebet milite aussi pour que les femmes aient plus accès aux financements climatiques.
Cécile Njebet a déjà été lauréate du prix Wangari Maathai 2022 de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) des Nations unies pour son travail pour la protection des forêts. Et quatre autres personnes ont également été désignées lauréats du prix du Programme des Nations unies pour l’environnement Champions de la Terre : une ONG libanaise et des militants péruvien, indien et britannique.
RFI